Russie : à son procès, un journaliste ingouche affirme avoir été torturé
Lors d’une audience, Rachid Maïsigov, journaliste de la république d’Ingouchie, a raconté la torture qu’il a subie de la part des forces de l’ordre. Reporters sans frontières (RSF) dénonce un traitement ignoble et demande aux autorités russes l’acquittement du journaliste.
Читать на русском / Lire en russe
“J’ai expliqué mes droits, en citant l’article 51 [de la Constitution russe, stipulant que nul n’est tenu de témoigner contre soi-même], mais pour le coup, je n’avais pas demandé à recevoir des électrochocs” - des rires éclatent dans la salle d’audience où Rachid Maïsigov ironise sur la torture qu’il a subie et qu’il s’apprête à raconter. Le procès pour possession de drogue de l’ancien journaliste du média en ligne Fortanga a repris ce 18 février 2020 à Magas, capitale de la république russe d’Ingouchie.
Enlevé à son domicile le 12 juillet 2019 à l’aube par des hommes en uniforme, il est détenu pendant treize heures avant que sa garde à vue soit déclarée et qu’il ait accès à un avocat. Les policiers en profitent pour l’obliger à déverrouiller son téléphone et lui faire signer des documents qu’il n’a pas le droit de lire. Selon lui, c’est à ce moment qu’un paquet contenant une poudre blanche est placé dans son pantalon, dont il a dû se défaire. Confortant cette version des faits, un expert, pourtant commandité par l’accusation, affirme ne pas avoir retrouvé de traces de drogue dans les cheveux prélevés sur le journaliste après son arrestation. De son côté, la défense a demandé que la vidéo de la perquisition de son domicile soit examinée par la justice.
“Le témoignage de Rachid Maïsigov, retenu illégalement et soumis à des électrochocs, met en lumière les pratiques abjectes utilisées par les forces de l’ordre contre les voix critiques en Russie, et particulièrement dans le Caucase du nord, déclare la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. Nous dénonçons un acte de torture qui dépasse les simples violations procédurales et ne doit pas rester impuni. Poursuivi pour des charges qui semblent fabriquées, le journaliste doit être acquitté.”
Selon lui, ces mauvais traitements sont liés à son activité de journaliste pour Fortanga, média en ligne créé en 2018 peu après les manifestations contre la modification de frontière entre la Tchétchénie et l’Ingouchie. Cible privilégiée des autorités russes, Fortanga a été bloqué temporairement par le Roskomnadzor, l’agence de supervision des télécoms et des médias en juillet 2019. Peu avant son arrestation, Rachid Maïsigov avait reçu des menaces anonymes qui l’avaient poussé à quitter Fortanga.
Le 19 novembre, le journaliste a pu sortir de prison, mais il a été placé en résidence surveillée. Le 25 décembre, celle-ci a été prolongée de trois mois, jusqu’au 11 mars. La prochaine audience aura lieu le 5 mars.
La Russie occupe la 149e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2019, publié par RSF.