RSF s’inquiète de la disparition du célèbre blogueur vietnamien Truong Duy Nhat en Thaïlande
Venu à Bangkok pour y demander le statut de réfugié, le journaliste-citoyen, originaire du centre du Vietnam, n’a donné aucun signe de vie depuis le 26 janvier. Inquiète d’une possibilité d’enlèvement par des agents vietnamiens, RSF demande aux autorités thaïlandaises de tout faire pour élucider cette disparition.
Dix jours que ses proches sont sans nouvelles de lui… Le célèbre journaliste vietnamien Truong Duy Nhat a disparu le 26 janvier dernier à Bangkok. La veille, il s’était rendu au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés afin d’y déposer un dossier de demande d’asile. Sa trace se perd dans un centre commercial de la banlieue de la capitale thaïlandaise. C’est là qu’il aurait été enlevé, selon d’autres blogueurs vietnamiens réfugiés à Bangkok, cités par Radio Free Asia, l’un des médias pour lequel travaillait Truong Duy Nhat. De son côté, la police thaïlandaise affirme ne pas détenir le journaliste en détention.
“Nous appelons les autorités thaïlandaises à faire toute la lumière sur cette disparition extrêmement préoccupante, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. S’il s’avère qu’elles ne sont pour rien dans cette affaire, cela voudrait dire que des agents vietnamiens ne s’embarrassent même plus du droit international et violent la souveraineté d’un pays partenaire pour traquer les voix critiques. Le message envoyé à la communauté des blogueurs vietnamiens réfugiés à Bangkok est absolument terrifiant.”
Important réseau d’informateurs
L’enlèvement présumé de Truong Duy Nhat est d’autant plus préoccupant qu’il était une figure très respectée de la blogosphère au Vietnam, jusque dans certains cercles du Parti communiste au pouvoir à Hanoi.
Dans un post publié sur Facebook, le blogueur Bui Thanh Hieu, aujourd’hui réfugié en Allemagne, soupçonne le Premier ministre Nguyen Xuan Phuc d’avoir ordonné l’enlèvement du journaliste : “Je pense que le Premier ministre voulait voir Nhat arrêté à tout prix parce qu’il est en possession d’informations compromettantes à propos de son clan dans la province de Quang Nam.” Cette province, au centre du pays, est voisine de la ville de Danang, où vivait Truong Duy Nhat et où il disposait d’un important réseau d’informateurs pour mener à bien ses enquêtes.
Le journaliste avait d’ailleurs travaillé pour des publications de la police de Danang jusqu’en 2010, avant de lancer son propre blog, Một Góc Nhìn Khác (“Un autre point de vue”), pour pouvoir enquêter et écrire en toute liberté. Dès 2014, RSF en avait fait l’un de ses cent héros de l’information. Arrêté en 2013, il avait été condamné à deux ans de prison pour avoir “abusé de ses libertés démocratiques” en publiant ses articles.
Lieu de refuge
Au fil de la répression féroce engagée depuis deux ans par le gouvernement vietnamien contre les journalistes citoyens du pays, Bangkok est devenue un lieu de refuge privilégié pour nombre d’entre eux.
A la 175e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, le Vietnam est le pays d’Asie du Sud-Est le moins bien classé. La Thaïlande, elle, se situe en 140e position.