RSF exige la libération de la journaliste philippine Frenchie Mae Cumpio, détenue depuis un an

Alors qu’un tribunal philippin a ordonné la libération d’une de ses consœurs arrêtée il y a deux mois, la reportrice Frenchie Mae Cumpio, victime elle aussi d’une manœuvre policière, croupit en prison depuis maintenant un an et deux jours. Reporters sans frontières (RSF) demande sa libération immédiate.

Une journaliste libérée, une autre maintenue en détention... Au lendemain du premier anniversaire de l’arrestation de la reportrice Frenchie Mae Cumpio, le 7 février 2020, on a appris hier matin l’abandon des charges portées contre sa consoeur Lady Ann Salem, rédactrice en chef du site Manila Today.


La première, directrice du site d’information Eastern Vista, basée dans la ville de Tacloban, dans l’est des Philippines, est accusée de possession illégale d’armes à feu. C’est exactement pour la même raison que la seconde, Lady Ann - dite “Icy” - Salem, a été interpellée le 10 décembre dernier - à la suite de fausses preuves placées par la police elle-même.


En toute logique, ce lundi 8 février, le tribunal de Mandaluyong (banlieue de Manille), qui jugeait l’affaire, a déclaré nul et non avenu le mandat d'arrêt qui avait été émis contre la journaliste afin de pénétrer dans son domicile. Il a ordonné sa libération dans la foulée.


Jurisprudence


“L’annonce de la libération de Lady Ann Salem est un profond soulagement, mais elle doit servir de jurisprudence pour tous les autres cas où la police a abusé de ses pouvoirs pour intimider des journalistes qui dérangent, déclare le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. 


"A ce titre, nous appelons les autorités judiciaires de Tacloban à ordonner la libération immédiate et inconditionnelle de Frenchie Mae Cumpio, elle aussi victime d’une machination policière. Les forces de sécurité doivent en finir avec la pratique abusive du “catalogage communiste”.”


Le “red-tagging”, ou “catalogage communiste”, est une pratique typiquement philippine, héritée de la colonisation états-unienne puis de la Guerre froide, qui consiste à stigmatiser tout groupe ou individu - à commencer par les journalistes - qui ne suit pas la ligne du gouvernement philippin, et qui revient à les désigner aux forces de l’ordre comme cible légitime d’une arrestation arbitraire ou, pire, d’une exécution sommaire.

 

Défense des opprimés


Les sites de Frenchie Mae Cumpio et de Lady Ann Salem, Eastern Vista et Manila Today, font partie du réseau Altermidya, qui regroupe plusieurs médias engagés dans un journalisme indépendant et défendant la voix des opprimés. A ce titre, ils sont régulièrement accusés d’héberger des cadres du Parti communiste philippin (PCP) - ce qui est assimilé à du “terrorisme”.

 

Dernier exemple en date, le lieutenant-général Antonio Parlade Jr., porte-parole du groupe de travail national contre les conflits communistes, un organe gouvernemental, a menacé, la semaine dernière, de poursuivre la reportrice du site Inquirer.net Tetch Torres-Tupas pour “soutien à un groupe terroriste”, en plus de la cataloguer comme militante communiste.

 

Le militaire reproche à la journaliste d’avoir publié un article dans lequel deux individus affirment avoir été torturés jusqu’à ce qu’ils admettent être membres de la New People’s Army, le bras armé du PCP. Si elle est inculpée, elle risque la prison à vie.

 

Les Philippines se situent à la 136e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.

Publié le
Updated on 09.02.2021