RSF exhorte Eric Zemmour à reconnaître et condamner les violences perpétrées par ses militants contre la presse

Plusieurs journalistes ont été physiquement agressés ou menacés lors du premier meeting du candidat à l’élection présidentielle, à Villepinte. Reporters sans frontières (RSF) exhorte Éric Zemmour à reconnaître et condamner ces attaques contre la liberté de la presse et s’inquiète du niveau de violence inédit perpétré à l’égard des reporters.

La non reconnaissance des incidents graves impliquant plusieurs journalistes lors de son premier meeting électoral ce dimanche 5 décembre au parc des expositions de Villepinte (nord de Paris) et le refus du candidat Éric Zemmour de les condamner, représentent une menace pour la démocratie. 


“Ce niveau de violence à l’encontre des reporters dans le cadre d’une campagne électorale est sidérant, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Il serait sinistre que les candidats et les militants s’arrogent le droit de choisir les journalistes qui leurs plaisent et de mettre les autres à l’écart sous les cris et les coups. Les candidats qui ne font pas en sorte que la liberté de la presse soit respectée pendant leurs meetings portent une responsabilité. Nous exhortons Eric Zemmour à reconnaître la gravité de ce qui s’est passé et de s’engager à garantir le travail des journalistes dans ses réunions politiques. C’est le moins que l’on puisse attendre, notamment d’un ancien journaliste.” 


Lors du meeting de Villepinte, les journalistes Célia Mebroukine et Armel Baudet, travaillant pour l’émission quotidienne de Mediapart “A l’air libre”, ont été frappés à la tête, menacés et insultés. L’équipe de l’émission Quotidien, diffusée sur la chaîne TMC, a dû être exfiltrée par le service du sécurité du candidat, tandis que les participants au meeting scandaient “tout le monde déteste le Quotidien”. Le journaliste de la chaîne LCI, Paul Larrouturou, également présent dans la salle, a témoigné avoir été menacé de mort par un homme portant un T-shirt de campagne d’Éric Zemmour alors qu’il se trouvait à quelques pas du candidat d’extrême droite. Pendant ce temps, à l’extérieur, un photographe de l’agence AbacaPress, Eliot Blondet, a été bousculé par un militant avec une invective glaçante : “Je pardonne plus, je tue”.  


Malgré ces témoignages, le porte-parole d’Éric Zemmour, Dénis Cieslik a affirmé, lundi, “qu’aucun journaliste n’a été agressé physiquement” durant le meeting du candidat. Il a également déclaré ne pas être “étonné” de la détestation de Quotidien, estimant que les soutiens d’Éric Zemmour “sont maltraités” par l’émission. Ses propos font écho au discours du candidat lui-même, qui a accusé les “journalistes militants” de vouloir sa “mort sociale” et “voler la démocratie”. 


Alors qu’Éric Zemmour a affirmé, dimanche à Villepinte, être “le seul à défendre la liberté de penser, la liberté de parole, la liberté de débattre, la liberté de mettre les mots sur la réalité, pendant qu’ils rêvent tous d’interdire nos meetings”, le candidat prône paradoxalement une logique de sanctions pour les médias dont la ligne éditoriale ne lui convient pas. Le 12 novembre dernier, ses équipes ont interdit aux journalistes du quotidien  Sud Ouest l’accès à une réunion publique à Bordeaux, justifiant leur décision par le traitement réservé à Éric Zemmour dans le journal.


Par ailleurs, le candidat souhaite supprimer la redevance audiovisuelle, ressource principale des médias publics en France, qu’il a accusés, en octobre dernier, d’être “au service d’une idéologie qui déteste la France” et, à ce titre, de “cracher sur le peuple français”. Les propos d’Eric Zemmour étaient intervenus juste avant sa "blague" lors d’un salon international sur la sécurité, où il a pointé une arme sur des journalistes. 


Les violences rapportées dimanche interviennent dans un contexte inquiétant. Les menaces à l’égard des journalistes qui enquêtent sur la campagne d’Éric Zemmour et plus largement sur l’extrême droite en France se sont multipliées cette année. Début décembre, le site Médiapart a porté plainte après la diffusion massive en ligne de huit vidéos où trois de ses journalistes étaient menacés de mort et de viol. En novembre, la rédaction de StreetPress a dû installer une porte blindée à l’entrée de ses locaux après une campagne de cyberharcèlement et un appel au meurtre sur les réseaux sociaux, visant son rédacteur en chef, Mathieu Molard


Après la publication d’un article sur le mouvement identitaire à Orléans dans Magcentre.fr, le journaliste Mourad Guichard a été victime, fin novembre, d’une tentative d’intimidation d’un militant d’extrême droite, qui s’est rendu à son domicile. Plus tôt dans l’année, toujours dans la région Centre, France Télévisions a été contraint de demander une protection policière pour son directeur régional, menacé de mort par des individus proches de l’extrême droite après avoir refusé de diffuser, sur France 3 Centre-Val de Loire, un film municipal de la mairie d’Orléans sur Jeanne d’Arc en raison de manquements sur le plan déontologique.


La France se situe à la 34e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

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Mise à jour le 08.12.2021