RSF dénonce la campagne de harcèlement orchestrée contre la journaliste pakistanaise Asma Shirazi

Éditorialiste pour la British Broadcasting Corporation (BBC), cette célèbre journaliste est visée par une violente campagne de dénigrement et de haine en ligne, qui a été attisée par des membres du gouvernement et reprise par des militants du parti au pouvoir. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une atteinte intolérable à la liberté de la presse.

C’est devenue une arme à part entière du gouvernement pakistanais pour intimider tout journaliste critique. L’éditorialiste Asma Shirazi, qui signe une colonne hebdomadaire pour le service ourdou de la BBC, est la cible, depuis une semaine, d’une violente campagne de harcèlement en ligne menée par des internautes proche du parti au pouvoir à Islamabad, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la justice). 


À l’origine de cette campagne, plusieurs commentaires de membres du gouvernement en réaction au dernier éditorial signé par la journaliste : “Madame Asma, vous feriez mieux de vous inscrire directement au PML-N [le principal parti d’opposition]”, a sèchement tweeté le ministre du Commerce Hammad Azhar, accusant la journaliste de répandre des “insinuations pathétiques”


En fait d’insinuations, la journaliste s’est contentée d’écrire une tribune sur l’état inquiétant de l’économie pakistanaise et le manque de réponses apporté par le gouvernement. En réaction, le conseiller en communication du Premier ministre, Shahbaz Gill, est largement revenu sur cet éditorial durant une conférence de presse, le 21 octobre, pour violemment décrédibiliser le travail d’Asma Shirazi, l’accusant d’avoir “franchi des barrières déontologiques” et d’entretenir des “relations étroites” avec la cheffe de l’opposition, ce qui mettrait en cause son impartialité. 


Indigne d’un régime démocratique


La ministre des droits humains, Shireen Mazari, a elle aussi enflammé la twittosphère nationaliste pakistanaise en surnommant la BBC “Bharat Broadcasting Corporation”  - le terme “Bharat” désignant l’Inde –, et assimilant Asma Shirazi à un agent de l’étranger.


“Il est extrêmement malsain, pour le fonctionnement démocratique d’une société, que des responsables politiques s’en prennent aussi violemment, et de façon concertée, à une journaliste au seul titre que celle-ci a tenu des propos un tant soit peu critiques, déclare le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. En décrédibilisant ainsi publiquement le travail d’Asma Shirazi, sans aucun fondement, les représentants du gouvernement ont clairement orchestré la campagne de haine en ligne qui a suivi leurs déclarations. Ce type de harcèlement est indigne d’un régime démocratique ; il doit cesser.” 


Interrogée par RSF, Asma Shirazi répond à ses détracteurs par une question : “À quel endroit, dans mon article, ai-je manqué de déontologie ? Ce que je comprends, c’est que les membres du gouvernement sont surtout embarrassés par le fait que j’ai exposé des faits concrets dans mon article." 


En début d’année, RSF avait déjà dénoncé une campagne de haine en ligne qui avait visé Asma Shirazi, par ailleurs lauréate, en 2014, du prix Peter Mackler pour le courage et la déontologie journalistiques. En compagnie d’une dizaine d’autres journalistes, rattachés aux services en ourdou de la BBC et du quotidien britannique The Independent, elle avait été accusée par des militants pro-gouvernement de ne pas être assez patriotique – au point d’être ciblée par des menaces de mort.


L’inaction complice des autorités pakistanaises dans le cyberharcèlement de journalistes indépendants avait auparavant été révélée par RSF dès le mois d’août 2020, à l’occasion d’une mobilisation lancée par un collectif de journalistes pakistanaises.

 

Le Pakistan occupe la 145e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2021 de RSF. 

Publié le
Mise à jour le 26.10.2021