RSF demande à nouveau à l’Union européenne des sanctions contre CCTV et Xinhua

Reporters sans frontières (RSF) dénonce fermement la diffusion, par la télévision d’Etat CCTV et par l’agence de presse Xinhua, de prétendues “confessions” extorquées à des individus, vraisemblablement par la force. La généralisation de cette pratique constitue une menace alarmante pour l’information libre et indépendante.

Gui Minhai est apparu en larmes, affirmant vouloir faire face à ses crimes et être jugé en Chine malgré sa nationalité suédoise. Le 17 janvier 2016, la Télévision centrale de Chine (China Central Television, CCTV) diffuse les “aveux” du propriétaire de la maison d'édition Mighty Current, connue pour ses essais critiques à l’encontre du Parti communiste chinois. Gui Minhai avait disparu en Thaïlande en octobre dernier dans des circonstances laissant de nombreux proches penser qu’il avait été enlevé. Le 19 janvier, c’est au tour de Peter Dahlin, lui aussi suédois et employé de l’ONG Chinese Urgent Action, de passer à confesse sur CCTV. Une dépêche de l’agence de presse officielle Xinhua est publiée le même jour, relatant les “aveux” de ce volontaire, détenu pour avoir "encouragé les masses à s'opposer au gouvernement". “Nous sommes indignés par la diffusion de ces témoignages extorqués, qui n’ont aucune valeur informationelle, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. En colportant sciemment des contre-vérités et des déclarations dont on ne peut que suspecter qu’elles aient été obtenues sous la contrainte, CCTV et Xinhua deviennent des armes de propagande massive et cessent de facto d’être des médias.” “Au vu du rôle croissant qu’elles jouent à l’échelle internationale - devons nous rappeler le nombre accru de partenariats noués par CCTV et l’accroissement des abonnements aux dépêches que Xinhua enregistre auprès de nombreux médias internationaux ? -, ces organisations constituent une menace envers l’information libre produite dans l'intérêt du public. Nous demandons à l’Union européenne d’adopter dans l’urgence une résolution pour sanctionner ces pratiques qui participe au système répressif du gouvernement chinois”. RSF avait déjà demandé au Conseil de l’Union européenne de prendre des sanctions contre la chaîne de télévision CCTV et ses responsables. Une résolution qui serait cohérente avec la précédente décision de l’Union européenne, prise en ce sens en mars 2013 (2013/124/PESC). Le Conseil de l’Union européenne avait alors jugé certains officiels iraniens - dont le directeur exécutif et le directeur de l’information de Press TV - coupables d’atteinte au droit à un procès équitable et de complicité de torture, dans la mesure où des violences sont souvent utilisées pour faire “avouer” les prisonniers. La Chine multiplie la diffusion d’aveux forcés à des fins propagandistes. Le 8 mai 2014, les “aveux” filmés de la journaliste Gao Yu, qui avait disparu depuis le 23 avril 2014, avaient été diffusés sur la chaîne étatique China Central Television. La reporter, accusée d’avoir “transmis des secrets d’Etat à des sources en dehors de la Chine”, y déclarait avoir “commis une grosse erreur” et admettait sa “culpabilité”. Lors de son procès qui s’était tenu en novembre 2014, elle avait révélé avoir en fait cédé sous le poids des menaces contre son fils. En mai 2014, le journaliste de Boxun Xiang Nanfu était apparu sur CCTV 13, admettant “avoir calomnié le Parti et le gouvernement”. La police avait justifié sa remise en liberté le 19 août par “son mauvais état de santé, et sa relative bonne conduite, en ce qui concerne la reconnaissance de sa culpabilité”. Cette pratique, qui vise à discréditer ces acteurs de l’information, avait également été utilisée en novembre 2013 contre le reporter du quotidien Xinkuai Bao Chen Yongzhou. Le même mois, le journaliste Wang Qinglei était licencié par CCTV après ses critiques virulentes après la diffusion par sa chaîne d’aveux forcés de l’homme d’affaire et commentateur prolifique sur les réseaux sociaux Charles Xue. “Les confessions télévisées servent des besoins politiques” avait-il déclaré dans une lettre ouverte publiée sur le Web mais rapidement censurée. La Chine occupe la 176e place sur 180 pays dans le Classement annuel de la liberté de la presse 2015 établi par Reporters sans frontières.
Publié le
Mise à jour le 08.03.2016