RSF appelle le Premier ministre Jean Castex à saisir le Conseil constitutionnel sur l’article 24 de la PPL “sécurité globale”

Les députés et les sénateurs n’ont malheureusement pas saisi les occasions d’arrêter “une machine infernale lancée par la PPL sécurité globale”. RSF demande au premier ministre de tenir sa promesse et de saisir le Conseil constitutionnel.

Malgré les multiples avertissements de RSF et d’autres organisations de journalistes, l'Assemblée nationale a validé ce jeudi 15 avril l’accord de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi (PPL) “sécurité globale” avec son article 24 dangereux pour la liberté de la presse. La PPL ayant été votée sous la même forme par les deux chambres du parlement, son adoption est désormais définitive. L’article 24 ne peut être censuré que par le Conseil constitutionnel.


“En dépit de nos mises en garde répétitives, les députés et les sénateurs n’ont malheureusement pas saisi les occasions d’arrêter la machine infernale de l’article 24 de la PPL sécurité globale, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Nous appelons le Premier ministre Jean Castex à tenir son engagement de saisir le Conseil constitutionnel sur l’article 24. Si le Conseil constitutionnel n’intervient pas, le cadre législatif pour la liberté de la presse en France se dégradera.”


Le 24 novembre dernier, le Premier ministre a récusé toute intention de porter atteinte à la liberté de la presse par la PPL sécurité globale et a promis de la soumettre lui-même au Conseil constitutionnel.


Si l’article 24 a été modifié de manière significative au cours du processus législatif, il continue à représenter un danger pour les journalistes couvrant les opérations de police. La version qui a fait l’objet d’accord dans la commission mixte paritaire* - validé aujourd'hui par l’Assemblée nationale et le 7 avril dernier par le Sénat - crée un nouveau délit de “provocation à l’identification” dans le but de nuire. Comme RSF l’a constaté après le vote de la Commission des lois du Sénat, l’infraction qui constituerait le délit de “provocation à l’identification” n’est pas définie. Alors que la rédaction ne détermine pas ce qui constitue l’infraction (diffusion des images, appel à l’identification etc.), elle conserve la vague notion et dangereuse d’intention de porter “atteinte à l’intégrité psychique”, dénoncée déjà RSF.


Le nouveau délit de “provocation à l’identification” dans le but de nuire remplace l’interdiction de diffusion d’images de membres des forces de l’ordre dans le but de nuire, inscrite dans la toute première version de la PPL sécurité globale. Or, le nouvel article 24 est encore plus dangereux, car il n’est pas ancré dans la loi sur la liberté de la presse, mais seulement dans le code pénal. Ainsi, cet article exclut toute garantie procédurale pour les journalistes et les expose à des jugements en comparution immédiate en dehors des chambres spécialisées dans le droit de la presse.


Ces garanties s’appliquent - comme l’a demandé RSF - dans le cadre de l’article 18 du PJL confortant les principes républicains (dit contre les séparatismes), censé protéger tous les citoyens, y compris les agents d’Etat, contre la diffusion de leurs informations personnelles et professionnelles**. L’existence de deux articles très proches dans deux lois différentes  est incongrue voire franchement problématique.


La France se situe sur la 34e place au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.


* L’article 24 de la PPL sécurité globale, tel que adopté par la commission mixte paritaire : “La provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l’identification d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de la police municipale lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police, d’un agent des douanes lorsqu’il est en opération, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.”


** L’article 18 du PJL confortant les principes républicains tel que voté par le Sénat : “Le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.”

Publié le
Mise à jour le 15.04.2021