RSF alerte la ministre de la Justice du sort d’une journaliste menacée par ses “protecteurs”

Ana Pineda H., Secrétaire d’État à la Justice et aux droits de l’homme
Ramón Custodio, Haut-Commissaire aux droits de l’homme du Honduras


Madame la Ministre,
Monsieur le Haut-Commissaire,
Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de l’information, vous demande d’agir au plus vite pour assurer la protection effective de la journaliste et activiste des droits de l’homme Itsmania Erohyna Pineda Platero. Reporters sans frontières s’était déjà mobilisée en faveur de cette femme, avec d’autres organisations internationales, à la suite d’une manifestation du collectif “Journalistes pour la vie et la liberté d’expression” durement réprimée par la garde présidentielle, en décembre 2011 à Tegucigalpa. Les manifestants ne faisaient que réclamer justice pour leurs 30 confrères assassinés au cours de la dernière décennie, dont 25 depuis le coup d’État du 28 juin 2009. Présidente et fondatrice de l’ONG de défense des droits de l’homme Xibalba Arte y Cultura, Itsmania Pineda Platero nous a déclaré être à nouveau victime d’un véritable harcèlement de la part de policiers qu’elle avait dénoncés pour des affaires de corruption. Constamment menacée sur Internet via Skype et Twitter, victime de cyber-attaques sur sa boîte mail et son blog, empêchée de circuler librement à plusieurs reprises, et enfin contrainte de fermer le bureau de son ONG, la journaliste a porté plainte à chaque fois sans qu’aucun résultat n’ait été obtenu à ce jour. Dans le cadre du processus de “dépuration” de la police, deux hauts responsables policiers chargés de la sécurité de la journaliste, les généraux Somoza et Suazo, ont été relevés de leurs fonctions. Leur remplaçant, le commissaire Navas, a été assassiné peu de temps après. La protection d’Itsmania Pineda Platero a alors échu au sous-officier Victoriano López Centeno, qu’elle avait elle-même mis en cause devant de multiples instances pour des activités délictueuses. La Direction générale d’enquête criminelle (DNIC) a ouvert une enquête, en décembre 2012, sur les dernières menaces proférées contre la journaliste. Celle-ci a été au confiée au chef du département d’analyses de l’institution, Adán del Cid, et au fonctionnaire de police Marvin García Cardenas. Or le rapport d’enquête, très incomplet, ne mentionne que Victoriano López Centeno, sans tenir compte des agissements de deux autres policiers également cités par Itsmania Pineda Platero : Roque Jacinto Martinez et Lizandro Cruz Gudiel. Le premier officier au sein du département d’analyses de la DNIC. Le second, démissionnaire, qui s’était introduit au domicile de la journaliste en 2010, s’est présenté en moto devant elle il y a quelque mois. Lui bloquant le passage, il a retiré son casque et lui a demandé si elle se souvenait de lui. Itsmania Pineda Platero ne peut demeurer plus longtemps sous la vigilance, en fait la surveillance, d’un policier contre lequel elle a témoigné. De même, il est incompréhensible que l’enquête sur les menaces dont elle a fait l’objet soit à la charge de fonctionnaires issus de la même administration que l’un des suspects. Les investigations doivent reprendre dans des conditions conformes aux règles de procédure. Reporters sans frontières s’inquiète également du sort de Maria Isabel Barahona Morales, autre fondatrice de l’ONG Xibalba, elle aussi en danger. Menacée de mort, elle souhaite quitter le pays au plus vite, afin de rejoindre ses trois filles. Mais une récente et étrange modification de son nom de famille sur le registre d’État-civil l’empêche de quitter le territoire. Cette situation doit être réglée dans les plus brefs délais afin qu’elle puisse rapidement se mettre à l’abri. Nul ne peut ignorer l’implication de la police dans de nombreuses violations des droits humains commises ces dernières années. En vous remerciant de l’attention que vous porterez à ma demande, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, Monsieur le Haut-Commissaire, l’expression de mes salutations respectueuses. Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières
Publié le
Updated on 20.01.2016