Référendum en Catalogne : un scrutin marqué par des agressions de journalistes et un traitement médiatique pas toujours impartial
Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement les agressions subies par les professionnels des médias victimes de charges policières visant la population civile lors de la tenue du référendum illégal sur l’indépendance le 1er octobre 2017 en Catalogne. L’utilisation disproportionnée de la violence par les forces de sécurité de l’Etat espagnol a fait selon les chiffres fournis par le gouvernement catalan près 850 blessés dont plusieurs journalistes et photoreporters, qui rendaient compte du scrutin.
Parmi les journalistes agressés par les unités anti-émeutes de la police espagnole se trouvait également Xabi Barrena, correspondant du quotidien catalan El Periódico de Catalunya, victime d’un coup de matraque, alors qu’il filmait justement avec son téléphone portable les charges des forces de l’ordre à l’intérieur de l’école. Une fois au sol, les agents l’ont frappé à coups de pied.
Sofia Cabanes, rédactrice du quotidien numérique NacióDigital dans le canton de Terres de l’Ebre et pigiste pour l’agence de presse EFE dans la région, a également été frappé à coup de matraque sur le bras par des officiers de la Garde Civile (police militaire espagnole) lors d’une charge policière à Sant Carles de la Ràpita, dans la région de Tarragone. La journaliste filmait les événements quand le coup asséné par les agents a projeté son téléphone portable au sol. Alors qu’elle tentait de le ramasser, les officiers lui ont délibérément écrasé la main.
“RSF est révoltée devant ces images de violence policière qui parviennent de Catalogne. Parmi les quelque 850 civils blessés recensés, on compte de nombreux reporters et photojournalistes dont la mission était de témoigner des événements et d’exercer leur droit à l’information”, affirme Macu de la Cruz, présidente en fonction de RSF Espagne.
La veille du référendum, RSF a également recensé des incidents et des actes de violence. Lors d’une intervention en direct, une journaliste de la chaîne de TV La Sexta a été prise à parti et admonestée par un groupe de manifestants d’extrême droite. Non loin de là , une voiture de la télévision publique de Catalogne TV3, dont l’équipe couvrait les veillées organisées par des citoyens aux abords des bureaux de vote, a vu ses quatre pneus crevés et ses vitres brisées. Parallèlement, des foules indépendantistes ont harcelé sans relâche les reporters espagnols lors de leurs direct, créant des conditions de travail infernales.
Vent de colère au sein du groupe audiovisuel public RTVE.
Au lendemain du référendum catalan, la société des journalistes du groupe audiovisuel public RTVE – la télévision TVE et les stations de la radio RNE- a dénoncé la couverture médiatique biaisée de leur chaîne qu’ils accusent de manipulation et publié un communiqué dans lequel les reporters déplorent le parti pris avec lequel le groupe audiovisuel a traité le référendum et la question des violences policières.
Le Conseil de l’Information de TVE (organe indépendant des journalistes qui veille à la neutralité de la chaîne publique) a demandé la démission immédiate de l’ensemble de la direction des Informations pour “omission de son devoir de service public tel qu’il lui est confié par la loi en ce qui concerne l’assurance d’une information objective, véridique et plurielle dans son traitement des événements du 1er octobre en Catalogne” précise le communiqué du Conseil d'information de TVE, avant d’ajouter: Non seulement TVE n'a pas préparé de dispositif spécial pour un événement d’importance majeur qu’il était pourtant aisé de mettre en place, mais tous les efforts ont été faits pour diffuser une vision partiale des faits".
Dans les bureaux de TorreEspaña, le siège de la télévision publique espagnole, les journalistes ont protesté en brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire #vergüenza en castillan et #vergonya en catalan; qui signifie “une honte”, afin de dénoncer la couverture partiale et orientée du référendum d’autodétermination sur leur antenne.
“RSF tient à exprimer sa solidarité avec la société des journalistes du groupe audiovisuel public RTVE qui dénonce le traitement médiatique orienté de leur chaîne” déclare Pauline Adès-Mével, responsable du bureau UE de RSF. Nous déplorons que le groupe ait négligé sa mission de service public et offre aujourd’hui une des pires visions du journalisme, une couverture biaisée. Il est toutefois encourageant de constater le courage, la dignité et l'éthique de journalistes qui par leur action revendiquent et défendent le prestige du groupe public”.
De son côté, les professionnels de RNE, la radio publique, considèrent qu'il est inacceptable que la radio n'ait pas, non plus, prévu de programmation spéciale dédiée à la journée historique du 1er octobre.
"Les citoyens qui ont écouté Radio 1 ou Radio 5 à la recherche des derniers événements relatifs au référendum n’ont trouvé sur l’antenne que des chansons ou des reportages qui n’avaient aucun lien avec l’actualité” explique sur son site le Conseil de l’Information de RNE.
Deux jours après le référendum d’indépendance, qui a vu le oui l’emporter avec 90 % des voix, la situation demeure très tendue en Catalogne. A l’appel des syndicats, une grève générale est organisée ce mardi 3 octobre pour dénoncer les violences policières qui ont émaillé la journée de dimanche.
La section espagnole de RSF a mis en place une “boîte à lettre” pour accueillir les témoignages d’exactions dont seraient victimes les journalistes .
L’Espagne figure à la 29ème position sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2017 publié par Reporters sans frontières.