Rapport Delarue sur les relations entre la presse et les forces de l’ordre : vers des avancées concrètes ?

Le rapport de la commission indépendante sur les relations entre la presse et les forces de l’ordre préconise des mesures concrètes pour mieux protéger les journalistes couvrant les manifestations. Reporters sans frontières (RSF) veillera à ce que ses recommandations soient traduites dans les textes réglementaires et les pratiques des forces de l’ordre.

Le rapport de la commission présidée par Jean-Marie Delarue, remis au Premier ministre à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse du 3 mai, fait état d’une forte dégradation des relations et des “entraves croissantes et désinhibées de la part des forces de l’ordre” à l'égard du travail des journalistes en France. Pour y remédier, la commission indépendante sur les relations entre la presse et les forces de l’ordre formule 32 recommandations pour garantir “le droit à la protection de la vie et de l’intégrité de la personne, la défense de l’ordre public et de la liberté d’informer” lors des opérations de police couvertes par les journalistes. 


“Nous étudions les 32 propositions remises par la Commission Delarue au Premier ministre, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Il s’agit à l’évidence d’un travail de fond qui repose sur le constat d’une forte dégradation. La mise en place d’un comité de suivi dans les prochains jours, associant des représentants des deux professions et des membres de la commission, devra permettre des avancées sur le terrain. Cette problématique que nous soulevons depuis longtemps semble enfin prise en charge.”


Le rapport de la commission Delarue souligne l’obligation des forces de l’ordre “d’assurer la sécurité des journalistes face aux attaques des manifestants, y compris dans les lieux et moments de tension, qui ne sauraient être soustraits au regard de la presse.” Les journalistes doivent être autorisés à se placer facilement dans les “cordons” prévus durant les rassemblements. Le rapport demande à ce qu’ils puissent porter des équipements de protection “qui leur sont aujourd’hui régulièrement confisqués” et rappelle que les membres des forces de l’ordre ne peuvent pas s’opposer à la prise d’images et de sons par les journalistes qui doit être “intégrée comme un paramètre nouveau et durable” dans leurs opérations. 


Le rapport affirme également que les reporters de terrain doivent pouvoir couvrir “sans menace d’interpellation la dispersion d’attroupements, dès lors que les journalistes se désolidarisent physiquement des personnes appelées à se disperser, contrairement à ce que suggère le Schéma national de maintien de l’ordre (SNMO)” critiqué pour cette raison par RSF. Il préconise la mise en place d’un dispositif d’"officiers presse” présents sur le terrain et en mesure de fournir des informations opérationnelles et de régler les difficultés rencontrées. La discrimination des journalistes sans carte de presse ou “non accrédités” auprès des autorités, établie de facto par le SNMO et dénoncée par RSF, est par ailleurs exclue par le rapport de la commission Delarue. Il propose de mettre en place soit un modèle type d’”attestation employeur”, délivrée par ce dernier au journaliste concerné lorsqu’il ne dispose pas de la carte de presse, soit une carte de presse spéciale “événement d’ordre public”, un modèle déjà utilisé aux Pays-Bas et préconisé également par RSF. 


Les 32 mesures seront mises en œuvre, selon le service du Premier ministre, conjointement par les ministres de l’Intérieur et de la Culture sous le suivi d’un comité qui sera installé dans les prochains jours et sera composé des représentants des deux professions et des membres de la commission. 


RSF insiste également pour que ces recommandations - inspirées en partie par les propositions faites à la commission Delarue par l’organisation - soient traduites dans l'amendement du SNMO et dans le traitement des journalistes par les forces de l’ordre sur le terrain. Par ailleurs, la justice doit réagir face aux multiples violences commises par les forces de l’ordre contre les journalistes, RSF ayant porté plainte pour 18 d’entre eux depuis décembre 2019.


La France se situe à la 34e place sur 180 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Mise à jour le 07.05.2021