Quand les patrons de chaînes censurent leurs journalistes

Reporters sans frontières dénonce la censure de l’émission Suelte la lengua (“Déliez les langues”) qui n’est plus diffusée sur la chaîne Canal 6 depuis le 15 mai 2014. Le directeur de la chaîne Paul Misselem n’a fourni aucune explication. Ce programme présenté par le journaliste Jorge Burgos et sa consœur Emy Padilla est ouvertement critique du gouvernement de Juan Orlando Hernández. Mettant régulièrement en cause des banques et des entreprises dans des affaires de corruption, il dérange certains actionnaires de la chaîne. “Nous demandons à la direction de la chaîne Canal 6 de rétablir la diffusion de Suelte la lengua au plus vite, déclare Camille Soulier, responsable du bureau Amériques de Reporters sans frontières. D’éventuelles pressions des autorités ne sauraient justifier que les Honduriens soient privés d’une émission d’intérêt général.” Jorge Burgos et Emy Padilla ont fait l’objet de mesures de censure par leur propre hiérarchie à maintes reprises. Cette dernière a déclaré par exemple à la presse hondurienne que la production de Canal 6 lui avait un jour remis une note en plein enregistrement, lui interdisant de mentionner un sujet gênant. Suelte la lengua invitait régulièrement des défenseurs des droits de l’homme, principalement des directeurs d’associations et d’organisations non gouvernementales. Ce climat s’étend à d’autres journalistes indépendants. Dans un entretien accordé à Reporters sans frontières, le journaliste Ricardo Guerra du programme Actualidad Porteña diffusé sur la chaîne régionale privée Teleport Cortés déplore les entraves à l’indépendance journalistique dans la région de Puerto Cortés, au nord du pays : “C’est un phénomène nouveau. Nous ne pouvons pas couvrir tous les sujets : certains sont intouchables car ils compromettent les intérêts économiques des médias envers certaines entreprises. Il est courant que les journalistes indépendants qui proposent un sujet sur les autorités de Puerto Cortés s’entendent répondre “nous ne couvrons pas ce sujet”. Ricardo Guerra fait régulièrement l’objet de menaces et d’insultes par téléphone, autant d’attaques directement liées au contenu de l’information qu’il révèle. Le Honduras figure à la 129e position sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse en 2014 établi par Reporters sans frontières. Photo: Ricardo Guerra, Teleport Cortés
Slideshow: Jorge Burgos et Emy Padilla, Canal 6
Publié le
Updated on 20.01.2016