Pakistan : un journaliste tué au Baloutchistan dans une attaque à la bombe ciblée

Au Pakistan, un groupe séparatiste rebelle a revendiqué avoir “éliminé” le journaliste de télévision Shahid Zehri pour cause d’espionnage. Reporter sans frontières (RSF) demande aux autorités baloutches d’identifier et de condamner les responsables de cet assassinat ciblé.

Il faisait demi-tour pour éviter un bouchon quand la bombe a explosé sous son siège. Ce dimanche 10 octobre au soir, le reporter pour la chaîne télévisée locale Metro One News, Shahid Zehri, en voiture avec un proche, a été victime d’une attaque dans la ville de Hub, en périphérie de Karachi, au sud du Pakistan. Grièvement blessé, il a d’abord été pris en charge par l’hôpital local avant d’être transféré à l’hôpital principal de Karachi, où il a succombé à ses blessures.

 

 “Dans cette opération menée par l’unité tactique d’opération spéciale du Balochistan Liberation Army [BLA, Armée de libération du Baloutchistan], l’agent pakistanais Shahid Zehri a été éliminé et son véhicule complètement détruit”, a revendiqué, dans un communiqué en ourdou consulté par RSF, le porte-parole de ce groupe séparatiste de la région, reconnu comme une organisation terroriste par plusieurs Etats, dont le Pakistan et les Etats-Unis. Il n’a pas pour autant apporté la moindre preuve étayant ses accusations d’espionnage. 

 

“Il est intolérable que les rebelles séparatistes puissent impunément s’arroger le droit de tuer des journalistes dans l’arbitraire le plus complet, dénonce la porte-parole de RSF, Pauline Adès-Mével. Cette attaque à la bombe ciblée constitue une menace claire que les rebelles adressent à tous les journalistes qui osent encore couvrir la situation hautement sensible de la région. Nous appelons les autorités locales à enquêter au plus vite pour identifier les responsables de cet attentat et les traduire en justice.”

 

Attaques des deux camps

 

Rien ne laissait présager cette attaque ciblée contre le journaliste, qui couvrait la situation instable du Baloutchistan pour Metro One News : contacté par RSF, le directeur de l’information de la chaîne, Dr Buland Iqbal, nous a indiqué que “Shahid Zehri n’était pas en train de travailler sur une enquête particulièrement sensible pour notre organisation et il ne nous avait pas non plus informés d’une quelconque menace”. 

 

Dans la province du Baloutchistan, dont la ville de Hub est la porte d’entrée depuis la province frontalière de Sindh, l’insurrection entre les séparatistes et les forces paramilitaires fait rage depuis des années, une situation que subissent aussi les professionnels de l’information : “Les journalistes de la région sont la cible d’attaques des deux camps, qui nous accusent chacun d’être des agents du côté opposé”, nous a rapporté, sous couvert d’anonymat, un journaliste de Quetta, la capitale du Baloutchistan.

 

Shahid Zehri est le troisième journaliste tué dans la province en moins d’un an et demi. En juillet 2020, le journaliste Anwar Jan Kethran travaillant pour le quotidien Naveed-e-Pakistan a été tué par balles dans la ville de Barkhan après avoir révélé des affaires de corruption locale. En avril dernier, c’est l’assistant de rédaction Abdul Wahid Raisani pour le journal Daily Azadi qui a été abattu dans des circonstances troubles à Quetta. RSF n’a toutefois pas pu confirmer de lien entre cet assassinat et son travail de journaliste et attend toujours les résultats de l’enquête judiciaire pour établir les causes de sa mort.

 

Le Pakistan se situe à la 145e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2021.

Publié le
Mise à jour le 12.10.2021