Nouvelle avalanche de lois liberticides en Russie

La Douma a adopté, le 20 septembre, des amendements rendant passible de prison ferme le maintien d’informations interdites. Plusieurs autres propositions de lois liberticides sont à l’étude. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une nouvelle attaque contre la liberté de la presse.

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“L’imprimante enragée” s’est remise en marche : avec la rentrée, le Parlement russe s’attelle de nouveau à la production frénétique de lois liberticides qui lui vaut ce sobriquet. C’est à l’unanimité que les députés ont adopté, le 20 septembre 2018, deux propositions de lois introduisant des peines sévères pour la non-suppression ou le non-démenti d’informations interdites par un tribunal. L’adoption de ces textes par la chambre haute et leur promulgation par Vladimir Poutine est désormais une formalité.


Ces amendements introduisent un système de répression graduée contre ceux qui refuseraient de supprimer ou de démentir une information dans les délais impartis : jusqu’à 200 000 roubles d’amende (environ 2500 euros) pour les personnes morales, jusqu’à un an de prison ferme pour les particuliers, voire deux ans pour les fonctionnaires et les représentants d’organisations “commerciales et autres”.


“Ces nouveaux amendements viennent encore durcir une législation draconienne en matière de diffamation, dénonce le responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF, Johann Bihr. Les sanctions introduites, totalement disproportionnées, ne manqueront pas d’alourdir le climat d’intimidation prégnant et de porter atteinte au débat sur des sujets d’intérêt général. Avec ces lois toujours plus liberticides, Moscou ne cesse de s’éloigner de ses engagements internationaux et des principes proclamés par sa Constitution : il est grand temps de mettre un terme à cette dérive.”


Depuis avril, les autorités peuvent bloquer tout site internet qui n’aurait pas supprimé des informations jugées diffamatoires. Une autre loi, qui entrera en vigueur fin septembre, rend les moteurs de recherche passibles d’amendes s’ils ne suppriment pas de leurs résultats les liens vers des pages interdites. Le ministère des Télécommunications propose de son côté de bloquer, sans décision de justice, tout contenu supposé “appuyer ou justifier la commission d’un acte extrémiste et/ou terroriste”. Une formulation encore plus floue que celle qui existe actuellement, déjà largement utilisée pour emprisonner des internautes pour des contenus socio-politiques.


Le cadre légal applicable à l’information n’a eu de cesse de se durcir depuis la repénalisation de la diffamation en 2012 : pénalisation de “l’offense aux sentiments des croyants”, de la “propagande des relations sexuelles non-traditionnelles” et de la “propagande séparatiste”, création d’un statut de “média agent de l’étranger”, élargissement constant des raisons justifiant le blocage de sites internet sans décision de justice, reprise en main des intermédiaires techniques…


La Russie occupe la 148e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.

Publié le
Updated on 24.09.2018