Loi “anticasseurs” : RSF demande que la liberté de la presse ne fasse pas les frais d’une loi de circonstance

La proposition de loi “visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations”, dite “loi anticasseurs”, sera examinée en 2e lecture au Sénat mardi 12 mars. Le texte pose l’interdiction de principe de la dissimulation du visage dans les manifestations. Cette interdiction pouvant porter atteinte au principe de liberté d’informer, Reporters sans frontières (RSF) demande aux parlementaires de retravailler cet article.

Adoptée en 1ere lecture au Sénat en octobre 2018, puis à l’Assemblée en février 2019, la proposition de loi “anticasseurs” va être examinée en 2e lecture par les Sénateurs mardi 12 mars.


L’article 4 de ce texte interdit la dissimulation de “tout ou partie” du visage, “au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation sur la voie publique, au cours ou à l’issue de laquelle des troubles à l’ordre public sont commis ou risquent d’être commis”. Cette interdiction est sanctionnée d’une peine d'un an de prison et d’une lourde amende. Une personne poursuivie sur le fondement de cet article ne peut s’exonérer qu’en justifiant d’un “motif légitime” de dissimuler son visage - ce qu'elle ne pourra faire qu'a posteriori, après avoir été interpellée.

Pour RSF, cette interdiction de dissimuler son visage lors d’une manifestation pourrait attenter à la liberté de la presse : les violences souvent ciblées auxquelles sont exposés les journalistes dans les manifestations, de la part de manifestants comme de membres des forces de l’ordre, les gaz, les jets de projectiles de toutes sortes, de toutes les directions, contraignent les journalistes à se couvrir le visage afin de se protéger et être en capacité d’exercer leur activité.

RSF souligne l’éventuelle inconstitutionnalité de cette disposition. Cette difficulté a également été exprimée par la rapporteur de la proposition de loi elle-même, Catherine Troendlé, Sénatrice du Haut-Rhin (LR), qui n’a pas caché avoir « un doute » sur la constitutionnalité du texte ; le président de la République a d’ailleurs annoncé le 11 mars 2019 vouloir présenter un recours constitutionnel contre ce projet.

“Préserver la liberté d’informer dans le cadre de manifestations est fondamental. Ces événements sont par nature d’intérêt crucial pour le public ; il revient aux journalistes de les couvrir librement afin d’informer sur leur déroulement, le comportement des manifestants comme celui des forces de l’ordre, affirme Paul Coppin, Responsable juridique de Reporters sans frontières. Nous demandons donc solennellement aux Sénateurs de garantir aux journalistes la possibilité, sans risque pour leur sécurité physique et sans risquer l’interpellation, d’exercer leur activité dans le contexte de manifestations.

Pour RSF, il est essentiel que l’article 4 de la proposition de loi soit assorti d’un dispositif de sauvegarde. Un cadre clair doit être fixé, permettant de garantir que des journalistes qui ne font que couvrir une manifestation, dans l’exercice normal de leur activité - et ce qu’ils soient professionnels ou non - ne puissent être interpellés et empêchés de faire leur travail au seul motif qu’ils se sont couverts le visage afin de se protéger.

La France est située 33e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2018 établi par Reporters sans frontières.

Publié le
Updated on 17.04.2019