“L’arrestation de Janbolat Mamaï vise à faire taire l’un des derniers journaux d’opposition au Kazakhstan”
Reporters sans frontières (RSF) réclame la remise en liberté immédiate du journaliste d’opposition kazakh Janbolat Mamaï, arrêté le 10 février 2017. Accusé de “blanchiment”, le rédacteur en chef du journal Tribouna / Sayasi Kalam risque jusqu’à sept ans de prison.
La répression contre les derniers médias indépendants ne faiblit pas au Kazakhstan. Le rédacteur en chef du journal d’opposition Tribouna / Sayasi Kalam, Janbolat Mamaï, a été arrêté le 10 février. Le lendemain, un tribunal d’Almaty ordonnait son placement en détention provisoire pour au moins deux mois. Cinq proches et collègues du journaliste, dont son adjointe, Inga Imanbaï, ont également été interrogés et perquisitionnés. Les enquêteurs ont saisi leurs ordinateurs, téléphones, carnets et autres supports d’information. Sous pression, le propriétaire du titre a été contraint de fermer son entreprise et de licencier Janbolat Mamaï.
Les autorités accusent Janbolat Mamaï d’avoir fait financer son journal par l’opposant et oligarque en exil Moukhtar Abliazov entre 2013 et 2014. A travers l’activité légale de Tribouna / Sayasi Kalam, le journaliste aurait ainsi contribué au blanchiment des fonds que l’opposant est accusé d’avoir détourné. Mais les deux intéressés nient être en rapport. Le rédacteur en chef a répété qu’il n’avait “jamais eu d’activités économiques ou financières de [sa] vie”.
“L’arrestation de Janbolat Mamaï ne vise qu’à faire taire l’un des derniers titres critiques au Kazakhstan, dénonce Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Nous demandons aux autorités de le remettre en liberté sans délai et d’abandonner les poursuites ouvertes contre lui, qui cachent mal leur nature politique. Il est grand temps que les partenaires internationaux d’Astana dénoncent l’anéantissement du pluralisme au Kazakhstan.”
Les allégations de financement par Moukhtar Abliazov semblent d’autant plus absurdes que Tribouna / Sayasi Kalam est accoutumée aux difficultés économiques : arriérés de salaires et retards dans le paiement des typographies ne sont pas rares. Entre 2013 et 2014, alors qu’il était censé financer le journal, Moukhtar Abliazov était emprisonné en France : il n’a été libéré qu’en décembre 2016, lorsque le Conseil d’Etat a définitivement rejeté les demandes d’extradition dont il faisait l’objet.
Déjà difficile, le climat est devenu suffocant pour la presse au Kazakhstan après la fermeture simultanée des principaux médias d’opposition nationaux, en décembre 2012. Depuis lors, toute velléité de fonder de nouveaux médias indépendants se solde rapidement par leur fermeture. Les arrestations de journalistes et de blogueurs sont elles aussi devenues monnaie courante. Le Kazakhstan figure à la 160e place sur 180 pays au Classement mondial 2016 de la liberté de la presse de RSF.