La reprise en main de RBC, “un coup majeur porté au journalisme indépendant en Russie”
Reporters sans frontières (RSF) dénonce la mise au pas du groupe de presse indépendant russe de référence RBC.
Les pressions croissantes contre RBC sont arrivées à leur dénouement, le 13 mai 2016, avec l’éviction de sa direction éditoriale par la direction du groupe : le rédacteur en chef du journal RBC, Maksim Solious, a été démis de ses fonctions, suite à quoi la rédactrice en chef de la holding Elizaveta Osetinskaïa et le responsable éditorial Roman Badanine ont eux aussi quitté le groupe. Depuis deux ans, cette équipe était parvenue à transformer le titre en une source d’information politico-économique de référence : RBC était le seul média indépendant attirant une audience comparable à celle des médias d’Etat.
“L’éviction des rédacteurs en chef de RBC est un coup majeur porté au journalisme indépendant, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Force est de constater que le journalisme d'investigation et de reportage, fondement d’une presse de qualité, n’est plus toléré en Russie. La corruption massive et les diverses activités illicites du pouvoir sont décidément devenues les secrets d'État les mieux gardés.”
RBC avait notamment gagné sa réputation grâce à ses enquêtes sans concession sur la corruption des élites russes : détournements de fonds publics, manipulations d’appels d’offres, enrichissement douteux de responsables haut placés et de proches du pouvoir... Après sa couverture des “Panama Papers” et ses révélations sur l’enrichissement du gendre supposé de Vladimir Poutine, au printemps 2016, la perspective d’une reprise en main semblait de plus en plus évidente : perquisition des bureaux du propriétaire de RBC, enquête pénale contre son PDG, départ anticipé en congé sabbatique d’Elizaveta Osetinskaïa…
Aussi, malgré les arguments économiques présentés par la direction, personne ne doute des raisons politiques qui ont poussé à l’éviction du trio. D’après plusieurs médias indépendants, les derniers rédacteurs de RBC sont désormais priés de faire valider tous les textes par le PDG de la holding. Plusieurs journalistes s’apprêteraient à démissionner, d’autres attendaient qu’un de leurs textes soient censuré pour en tirer toutes les conclusions.
Le licenciement de la direction éditoriale des médias indépendants est une des méthodes de reprise en main les plus classiques en Russie depuis la mise au pas de la chaîne de la télévision NTV, en 2001. Après Gazeta.ru, le premier site d’information russe, Lenta.ru a subi le même traitement en 2014 sur fond de conflit en Ukraine. En général, les titres visés deviennent inoffensifs ou se tournent vers les sujets glamour - quand ils ne sont pas transformés en organes de propagande, à l’image de l’agence de presse publique RIA Novosti.