La France à la 39e place du Classement de la liberté de la presse 2017 : une amélioration en trompe-l’oeil

La France se situe à la 39ème position du Classement de la liberté de la presse 2017 publié par RSF. L’année a été marquée par des attaques répétées contre les médias pendant la campagne électorale, une tendance à la concentration et des situations de conflits d'intérêts suscitant de grandes craintes pour l’indépendance éditoriale.

La France gagne six places dans le Classement de la liberté de la presse 2017 pour se situer à la 39e position, alors que la situation des journalistes est loin de s’être améliorée. Cette remontée “mécanique”, qui se produit après la chute exceptionnelle que le pays avait connue avec la tuerie de Charlie Hebdo, lui permet de se replacer à son niveau de 2014. En 2017, elle se situe devant le Royaume-Uni (40e position, -2 places), les Etats-Unis ( 43e, -2). Elle se place en revanche loin derrière l’Allemagne (16e).


Une campagne d’une rare violence à l’égard de la presse


La campagne électorale pour la présidentielle a été marquée par des attaques d’une rare intensité. Pendant plusieurs semaines, les médias et les journalistes français ont fait l’objet d’invectives de plus en plus violentes de la part de responsables politiques mais également de citoyens, jusqu’aux menaces de mort ciblant trois rédactions (Mediapart, Le Canard Enchaîné et Le Journal du Dimanche), au motif des révélations qu’elles avaient effectuées.


La critique des médias en général et des pratiques journalistiques est évidemment légitime, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Malheureusement de trop nombreux responsables politiques vont beaucoup plus loin en proférant des accusations indignes et dangereuses qui en fait remettent en cause l’indépendance de la presse, l’exercice libre du journalisme et le pluralisme.”


L’année aura été marquée par une intensification de la violence policière envers les reporters qui a connu son paroxysme durant les manifestations contre la loi travail en avril et mai 2016. Les vidéos montrant que des personnes filmant ou photographiant les rassemblements étaient intentionnellement frappées ou les témoignages de journalistes expliquant que leur brassard presse faisaient d’eux une cible au lieu de les protéger, révèlent des entraves à la liberté d’informer indignes d’une démocratie.


Promise par François Hollande, une nouvelle loi renforçant la protection du secret des sources a suscité cette année beaucoup d’espoirs au sein de la profession. Elle a été néanmoins retoquée par le Conseil constitutionnel qui l’a jugée trop contraignante. Le cadre aujourd'hui en vigueur reste donc celui, très insuffisamment protecteur, de la loi Dati de 2010. RSF a vivement déploré ce recul, et appelé le législateur à proposer au plus vite un nouveau texte pour qu’un cadre réellement protecteur des sources des journalistes soit enfin instauré.


L’indépendance mise à mal


La mainmise d’une poignée de milliardaires sur les médias s’est accentuée, aggravant ainsi la dépendance de certains groupes de presse aux pouvoirs économiques. Le risque de conflits d’intérêts n’a jamais été aussi grand, fragilisant d’autant plus l’indépendance des journalistes.


Si l’industriel Vincent Bolloré n’a jamais caché son intention de peser sur les contenus éditoriaux des médias propriétés de son groupe Vivendi, la déprogrammation d’une enquête sur le Crédit Mutuel dirigé par l’un de ses amis, puis la suppression de l’impertinent “Zapping” et de l’émission “Spécial Investigation” sur Canal + ont illustré jusqu’à la caricature les effets d’un management cavalier sur l’indépendance de l’information. La grève à iTélé (remplacée depuis par CNews), le deuxième plus long conflit social dans l’audiovisuel depuis mai 68, a montré les tentatives d’une rédaction pour défendre son indépendance éditoriale et une forme éthique du journalisme. Un combat dur et pour le moins inégal, qui s’est soldé par le départ d’une centaine de salariés de la chaîne.


La question de la concentration de la plupart des grands médias entre les mains de quelques propriétaires est plus cruciale que jamais. Il est donc essentiel que le prochain chef de l’Etat se saisisse de la question de l’indépendance éditoriale et que des dispositions contraignantes soient prises sur le sujet afin de renforcer la confiance du public dans ceux qui l’informent, déclare Pauline Adès-Mével, responsable du bureau Union européenne de RSF. Il faut que le journalisme d'investigation et d'opinion puisse se déployer plus largement et pas uniquement dans certaines rédactions qui échappent encore à l’influence des oligarques.”


A l’occasion de la campagne présidentielle, RSF a porté cinq recommandations auprès des candidats et demandé au futur président de la République de prendre des engagements fermes pour que la liberté et l’indépendance de l’information soient garanties en France à la hauteur d’une grande démocratie .

  • Lutter contre la concentration des médias et assurer la transparence de leur propriété
  • Faire adopter une nouvelle loi sur la protection du secret des sources
  • Lutter contre les procédures abusives contre les journalistes
  • Créer un délit de trafic d’influence appliqué au champ de l’information
  • Faciliter et élargir l’accès aux documents publics pour tous.


Publié chaque année depuis 2002 à l’initiative de RSF, le Classement mondial de la liberté de la presse mesure le degré de liberté dont jouissent les journalistes dans 180 pays grâce à une série d’indicateurs (pluralisme, indépendance des médias, environnement et autocensure, cadre légal, transparence, infrastructures, exactions).

Publié le
Mise à jour le 26.04.2017