La Chine doit cesser de harceler les correspondants étrangers
RSF demande aux autorités chinoises de cesser d’entraver le travail des journalistes étrangers. Dans son rapport 2017, le Club des correspondants étrangers de Chine dénonce très forte détérioration de la situation.
Filatures, arrestations, brutalités, menaces d’expulsion, pressions sur les sources: les journalistes internationaux ont de plus en plus de mal à travailler en Chine. Dans un rapport publié la semaine dernière, basé sur une enquête à laquelle ont répondu 117 journalistes, le Club des correspondants étrangers de Chine (FCCC) décrit l’acharnement croissant déployé par les autorités pour empêcher la presse étrangère de faire son travail. Quarante pourcent des répondants pensent que les conditions se sont détériorées, contre 29% l’année précédente.
“Ce n’est certainement pas en harcelant les journalistes étrangers, puis en se posant en victime quand ils publient des informations qui lui déplaisent, que le régime de Pékin parviendra à améliorer son image internationale, estime Cédric Alviani, directeur du bureau Asie de l’Est de Reporters sans frontières (RSF). Ces agissements sont d’autant plus choquants que le pouvoir chinois profite autant qu’il peut de la liberté offerte aux journalistes dans les démocraties pour y développer son réseau de propagande.”
Chantage administratif
Le chantage au renouvellement du visa, levier de pression classique, est en forte hausse: 15% des répondants en font état, soit trois fois plus que l’année précédente. Six pour cent des répondants sont même directement menacés d’expulsion, un chiffre qui a aussi triplé. Cette épée de Damoclès pèse au dessus de chaque journaliste: fin 2015, les autorités chinoises ont ainsi expulsé la journaliste française Ursula Gauthier suite à un article qui leur avait déplu. En 2012, le New York Times et Al Jazeera ont aussi été touchés par des expulsions, tout comme le quotidien canadien Globe and Mail en 2009.
Les refus d’accréditation sont aussi en hausse. Le 25 octobre dernier, un groupe de médias internationaux de premier plan (BBC, The Economist, The Financial Times, The Guardian, the New York Times, Yomiuri Shimbun, Sankei Shimbun, Libération et Voice of America) se sont ainsi vus empêchés de couvrir le Comité permanent du Bureau politique, officiellement “faute de place”. Une punition, semble-t-il, pour avoir osé publier des éditoriaux critiques sur le président Xi Jinping.
Zones interdites
La libre circulation connaît aussi une dégradation notable. Les trois quart des répondants qui se sont rendus dans la province autonome du Xinjiang (ouest) ont vu leur périmètre de déplacements restreint, 50% de plus que l’année précédente. Il semble que cette zone, tout comme la frontière avec la Corée du Nord, soient sous le coup de “restrictions spéciales” autorisant la mise à l’écart des médias étrangers. Lors d’un reportage dans le Xinjiang en août dernier, Nathan VanderKlippe, correspondant du Globe and Mail, a ainsi été interpellé, questionné, suivi jusqu’à son hôtel et a vu son ordinateur confisqué durant 12 heures.
Mais le harcèlement ne se limite plus aux région spéciales, et les officiels de toute la Chine sont désormais réticents à laisser les journalistes étrangers travailler librement: “Il est de plus en plus fréquent que la police et les autorités locales exigent une autorisation préalable pour nous laisser faire des reportages dans leur district”, confirme Josh Chin, correspondant du Wall Street Journal (WSJ).
Menaces et violences
En décembre, deux journalistes sud-coréens ont été sévèrement battus par des gardes chinois durant la visite d’Etat de leur président. Cet incident témoigne du peu de considération que montre le pouvoir à l’égard des médias étrangers. Sans surprise, plus de la moitié des correspondants interrogés déclarent avoir subi des interférences et du harcèlement, et 8% d’entre eux font état de violences physiques.
En février, une équipe de BBC News qui enquêtait dans le Hunan a ainsi été prise à partie par un groupe d’hommes en civil qui ont refusé de s’identifier, puis ont violenté les journalistes avant de détruire leur équipement vidéo. Plus tard, sous la supervision de policiers en uniforme et d’officiels, les journalistes été forcés de signer une confession pour “comportement ayant eu un impact négatif” et tentative de conduire une “interview illégale”.
En juillet, peu après la mort du prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, les autorités ont empêché les médias étrangers d’accéder à l’hôpital dans lequel il avait été interné. Le correspondant de Voice of America, Yibing Feng et la personne qui l’assistait, Ai Lun, ont été bousculés par un groupe de policiers en civil et leur matériel endommagé.
Pressions sur les sources
Les journalistes étrangers rencontrent désormais une pression bien plus insidieuse: les pressions faites sur leurs sources d’information et leurs appuis logistiques. Un quart des répondants déclarent que certains de leurs contacts ont été harcelés, détenus ou convoqués pour être interrogés.
“Lorsque nous filmions dans des lieux éloignés, les locaux avaient l’instruction de ne pas nous parler et même de ne pas nous loger ou nous restaurer”, témoigne Kathy Long, correspondante de BBC News, qui ajoute que “plusieurs prestataires de services audiovisuels (...) ont soudain retiré leur offre après que les autorités gouvernementales ou locales aient fait pression”.
Même lorsque les autorités regardent ailleurs, de moins en moins de Chinois acceptent le contact avec la presse étrangère, par peur de sanctions. Patrick Baert, chef du bureau AFP à Pékin, dont le premier reportage en Chine remonte à 1997, témoigne du fait qu’il est “toujours aussi dur de contacter l’administration, de trouver des gens qui peuvent parler, qui n’ont pas peur de parler.”