La BBC interdite en Chine : une gesticulation diplomatique du Parti communiste chinois

Reporters sans frontières (RSF) condamne avec la plus grande fermeté la décision du régulateur des médias chinois d’interdire le réseau britannique sur son territoire. Une initiative qui s’apparente clairement à une posture prise par l’exécutif en représailles au travail journalistique de la BBC.

Une réponse du berger à la bergère ? L’Administration nationale de la radio et de la télévision (ANRT), le régulateur de l’audiovisuel chinois, a annoncé hier, jeudi 11 février, sa décision d’interdire de diffusion la chaîne BBC World News, estimant que les programmes du réseau britannique avaient “sérieusement” enfreint les directives en vigueur dans le pays. 


Cette décision intervient une semaine après que l’Ofcom, le régulateur des médias britanniques, a ordonné, le 4 février, la révocation de la licence de diffusion au Royaume-Uni du réseau audiovisuel international chinois China Global Televison Network (CGTN). En cause, le manque d'indépendance éditoriale du CGTN qui, contrairement à ce que proclame son contrat de licence, est en réalité placé depuis 2018 sous la tutelle directe du département de la propagande du Parti communiste chinois (PCC), comme l’attestent plusieurs documents officiels.


Pour sa part, l’ANRT chinoise estime que la BBC aurait "violé les principes de vérité et d'impartialité du journalisme". Le média a diffusé, fin janvier, un documentaire intitulé “54 days”, qui revenait sur les dissimulations des officiels chinois aux premiers jours de la pandémie de Covid-19. Plus récemment, le 2 février, la chaîne britannique a révélé dans un reportage des faits de viols et de tortures sur des femmes ouïgoures dans des camps d’internement au Xinjiang, en Chine de l’ouest.


Gesticulations


“La posture du régulateur de l'audiovisuel chinois, qui se drape dans une probité journalistique qui lui est fondamentalement étrangère, frise le grotesque, remarque le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard.


"Ne nous y trompons pas, nous sommes face à deux visions de l’information radicalement différentes : d’un côté, l’Ofcom et la BBC sont parfaitement indépendants du pouvoir exécutif britannique ; de l’autre, l’ANRT est un régulateur directement rattaché au gouvernement chinois, et le CGTN déverse à longueur de programmes la propagande du PCC, lequel ne tolère pas le libre exercice du journalisme.”


Signe de la dimension très symbolique des gesticulations de l’ANRT, cette interdiction de la BBC sur le territoire chinois aura des effets très limités, puisque la chaîne britannique était seulement diffusée dans certains hôtels internationaux, et non dans les foyers chinois. 


Dans la foulée de la décision de l’ANRT, la Radio Télévision de Hong Kong (RTHK) a annoncé ce matin, vendredi 12 février, l’arrêt de la diffusion de la BBC sur le territoire semi-autonome. Mais là aussi, les programmes de la chaîne n'étaient diffusés que sur quelques plages nocturnes depuis 2017.


En 2019, RSF a publié un rapport d’enquête intitulé “Le nouvel ordre mondial des médias selon la Chine”, qui lève la lumière sur la stratégie déployée par l’appareil d’État chinois pour parvenir à imposer son modèle de contrôle de l’information : modernisation de son outil audiovisuel extérieur, achat massif de publicités, infiltration des médias étrangers… Mais aussi chantage, intimidation et harcèlement à une échelle quasi-industrielle. 


La Chine stagne dans les limbes du Classement mondial RSF de la liberté de la presse 2020, au 177e rang sur 180 pays.

Publié le
Updated on 17.02.2021