Face aux dérives au sein des forces de sécurité, les autorités turques doivent réagir

Depuis le 19 janvier 2007, huit personnes ont été inculpées dans le cadre de l'assassinat du journaliste turc d'origine arménienne, Hrant Dink. Les négligences dont les autorités ont fait preuve et les sympathies des forces de sécurité pour l'assassin, mises à jour par une vidéo rendue publique la semaine dernière, rendent nécessaires des sanctions.

« Alors que l'enquête sur l'assassinat de Hrant Dink se poursuit, de récents développements rendent plus que nécessaire l'engagement des autorités turques dans une lutte active contre les groupes ultranationalistes, également présents au sein des forces de sécurité, qui représentent en eux-mêmes une menace pour les journalistes. Les images présentant des policiers posant aux côtés d'Ogün Samast, l'assassin de Hrant Dink, sont choquantes. Les apparentes négligences dont la police aurait fait preuve face à des renseignements transmis il y a plus d'un an sur un complot visant Hrant Dink, sont également scandaleuses. Il est urgent que le gouvernement sanctionne les responsables », a déclaré Reporters sans frontières. Le 1er février 2007, la chaîne privée TGRT a diffusé des images montrant Ogün Samast, peu de temps après son interpellation à Samsun (Nord-Est), dans la nuit du 20 janvier. On le voit tenant un drapeau turc en compagnie de membres de la police et de la gendarmerie locale posant pour des « photos souvenirs ». A l'arrière plan, on peut apercevoir un calendrier sur lequel figure une citation de Mustapha Kemal Atatürk : « La terre de la mère patrie est sacrée. Elle ne peut être abandonnée à son sort. » Ses images ont entraîné des réactions virulentes dans la presse turque. Le journal Radikal a indiqué qu'il ne manquait plus qu'on “vienne baiser le front de l'assassin”, ajoutant que ces images traduisaient l'état d'esprit qui a conduit à l'assassinat de Hrant Dink. Son rédacteur en chef, Ismat Berkan a déclaré : « Cette vidéo prouve que l'assassin et ses complices ne sont pas seuls et que leurs soutiens ont pénétré toutes les couches de l'Etat. » Le journal populaire Sabah titrait « Epaule contre épaule avec l'assassin », pendant que le quotidien Vatan affirmait que ces images étaient « aussi graves que le crime lui-même ». En réponse, le procureur de la ville portuaire de Samsun, Ahmet Gökçinar, a déclaré qu'une enquête sur cet incident avait été ordonnée et le ministère de l'Intérieur a fait savoir que huit officiers de police avaient d'ores et déjà été démis de leurs fonctions. La chaîne TGRT, quant à elle, s'est vue retirée son accréditation par l'Etat major turc pour avoir diffusé la vidéo. Ces images sont venues alimenter les critiques déjà vives à l'encontre des forces de sécurité. D'une part, il leur est reproché de n'avoir pas su à protéger Hrant Dink, bien que celui-ci ait fait mention dans les pages d'Agos, des menaces et des emails haineux qu'il recevait. Le 30 janvier, plusieurs journaux ont fait état des accusations portées par un informateur de la police, Erhan Tuncel, écroué dans le cadre de l‘enquête. En février 2006, ce dernier aurait alerté la police de Trabzon (Nord-Est) de projets d'assassinat visant le journaliste et aurait désigné Yasin Hayal - également inculpé - comme l'assassin potentiel. La police aurait procédé à des vérifications, avant d'abandonner cette piste. A ce jour, huit personnes ont été inculpées de l'assassinat de Hrant Dink, survenu le 19 janvier 2007 devant les locaux du journal qu'il dirigeait à Istanbul dont: Ogün Samast - le tireur -, Yasin Hayal, ainsi qu'Ahmet Iskender, Ersin Yolcu, Zeynel Abidin Yavuz, Tuncay Uzundal et Erhan Tuncel. Journaliste célèbre et respecté dans le milieu du journalisme, Hrant Dink avait été plusieurs fois poursuivi par la justice turque en raison de ses positions sur les massacres d'Arméniens commis de 1915 à 1917. Condamné en 2005 à six mois de prison avec sursis pour "humiliation de l'identité turque", il avait été de nouveau poursuivi en septembre 2006 pour avoir qualifié de "génocide" les massacres commis en Anatolie pendant la Première Guerre mondiale, dans un entretien avec l'agence Reuters. Il risquait trois ans de prison.Hrant Dink devait comparaître les 22 mars et 18 avril 2007 devant les tribunaux d'Istanbul. visualiser la vidéo
Publié le
Updated on 20.01.2016