Ethiopie : RSF condamne l’expulsion inédite d’un journaliste du New York Times

Simon Marks, correspondant en Éthiopie pour le New York Times et Bloomberg qui a vu son accréditation suspendue quelques semaines plus tôt, vient d’être expulsé du pays sans explication officielle. Reporters sans frontières (RSF) condamne sévèrement cette décision et appelle les autorités à mettre fin aux intimidations répétées contre les journalistes.

Ce n’était pas arrivé depuis plusieurs années. Simon Marks, jusqu’ici correspondant pour le New York Times et pour le média américain Bloomberg en Ethiopie, a été forcé de quitter le pays, sans avertissement préalable ni explication officielle de la part des autorités. Après deux ans de présence sur le territoire, le journaliste a dû partir jeudi 20 mai sans avoir pu dire au revoir à son fils ni prendre son passeport, malgré ses demandes.


Contacté par RSF, le journaliste affirme être “terriblement déçu de la décision prise par le gouvernement éthiopien, qui avait pourtant promis de créer un environnement propice à une presse libre”. Cet incident, selon lui, prouve que “cet environnement est très menacé”, alors même que les élections législatives approchent à grands pas. Notre organisation a également essayé à plusieurs reprises de contacter l’autorité éthiopienne de radiotélédiffusion (EBA) ainsi que les autorités pour comprendre le motif de cette décision, sans réponse.


Un nouveau cap a été franchi dans les pressions que subissent les journalistes en Ethiopie, condamne Arnaud Froger, le responsable du bureau Afrique de RSF. Pour la première fois depuis l’arrivée au pouvoir du premier ministre Abiy Ahmed en 2018, un correspondant de presse étrangère est expulsé du territoire pour sa couverture de l’actualité en Ethiopie. Cette décision est malheureusement une manifestation supplémentaire du retour en arrière opéré par le pays concernant la liberté d’informer. Rien ne justifie cette expulsion, qui ressemble dangereusement à une mise en garde pour l’ensemble des journalistes, qu’ils soient étrangers ou locaux, le tout dans un contexte pré-électoral. Nous demandons aux autorités de revenir sur leur décision et de mettre fin aux intimidations répétées contre la presse, particulièrement dans la région du Tigré”.


Deux mois auparavant, Simon Marks s’était fait retirer son accréditation par l'EBA, au motif qu’il “manquait d’impartialité” et “diffusait de fausses informations”. Le courrier justifiant sa suspension évoquait particulièrement deux articles traitant du conflit tigréen et du différend frontalier entre l’Ethiopie et le Soudan publiés en début d'année sur Bloomberg. Le 7 mai dernier, le journaliste avait été informé qu’il ne serait autorisé à reprendre ses activités qu’en octobre prochain.


Il est de plus en plus difficile pour les journalistes d’exercer leur profession et d’accéder à l’information en Ethiopie, particulièrement dans la région du Tigré, au nord du pays, où le gouvernement local et les autorités fédérales s’affrontent depuis novembre 2020. Cette dégradation de la liberté de la presse touche aussi bien les journalistes locaux qu’étrangers. En février dernier, Lucy Kassa, correspondante pour plusieurs médias étrangers qui couvrait le conflit, avait été violemment agressée à son domicile par trois hommes armés habillés en civil. En réponse à son agression, l’EBA avait déclaré qu’elle n’était pas accréditée en tant que journaliste.


Après avoir progressé durant trois ans, l’Éthiopie a reculé de deux places dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021, passant de la 99e à la 101e place sur 180 pays.  

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Mise à jour le 21.05.2021