Elections municipales au Brésil : les cinq recommandations de RSF pour la liberté de la presse

Alors que le climat de la liberté de la presse et d’expression continue de se détériorer au Brésil, Reporters sans frontières (RSF) appelle les conseillers municipaux nouvellement élus à exercer les pouvoirs qui leur sont conférés pour protéger le droit d’informer et le libre exercice du journalisme.

Plus de 5000 communes brésiliennes ont désigné ce dimanche 15 novembre leurs nouveaux représentants locaux (appelés “vereadores”, qui sont l’équivalent de députés à l’échelle municipale). Ces élections représentent une nouvelle occasion de lutter contre les violations de droits fondamentaux, dont celui de la liberté de la presse, les maires et conseillers municipaux ayant une fonction de législateurs au Brésil. Ils disposent ainsi de différents outils pour protéger les journalistes ainsi que pour promouvoir, au sein de la société, la compréhension qu’une presse libre est l’un des prérequis pour une démocratie digne de ce nom. 

 

Pour que les nouveaux conseillers municipaux brésiliens puissent défendre et protéger la liberté de la presse et d’expression, ainsi que le libre exercice du journalisme, RSF a défini cinq recommandations dont elle suivra la mise en œuvre durant leur mandat, qui débutera en 2021 et, si ce n’est pas le cas, se tiendra disponible pour les conseiller et les guider dans ce sens.

 

  • Recommandation 1 : garantir le droit d’informer et s’engager pour la transparence

Le caractère anticonstitutionnel de l’interdiction ou de l’entrave faite aux journalistes d’accéder à des documents et des informations d’intérêt public détenus par des organes d’Etat, ainsi que de l’interdiction ou de l’entrave faite au public d’accéder à des contenus journalistiques publiés ou devant être publiés a été établi par de nombreuses décisions judiciaires. Ces interdictions et entraves ont été qualifiées de « censures préventives » par la Cour suprême fédérale.

 

RSF recommande donc aux conseillers municipaux de s’engager à combattre cette pratique de la censure, soit à travers un projet législatif, soit à travers une dénonciation publique et la promesse de voter contre des lois qui pourraient, directement ou indirectement, promouvoir ces valeurs au sein de la municipalité.

 

  • Recommandation 2 : lutter contre le harcèlement des journalistes et s’engager pour la protection et la sécurité des professionnels des médias

Les journalistes brésiliens sont souvent exposés à des agressions physiques ou verbales, voire à un assassinat lié à l’exercice de leur activité. Il est essentiel de mettre en évidence que ces attaques relatives à leur mission d’informer le public constituent des attaques envers la société elle-même, et qu’elles devraient donc être activement combattues à travers des politiques d’Etat.

 

RSF exhorte les conseillers municipaux à s’engager à protéger les journalistes des menaces et agressions, et de leur fournir de meilleures conditions de sécurité à travers des lois pénalisant de manière effective toute forme de violence contre eux.

 

  • Recommandation 3 : attribuer la publicité de manière éthique et transparente

Les autorités municipales ont le pouvoir d’exercer une censure indirecte à travers l’attribution de la publicité dans les médias. L’absence de mesure, de cohérence et de critères sains dans ce domaine peut rendre les médias dépendants de la sphère d’Etat ou les asphyxier financièrement, compromettant ainsi l’indépendance éditoriale et la qualité de l’information.

 

RSF appelle les conseillers municipaux à demander à la ville de rendre compte de ses dépenses en matière de médias de manière claire et précise, en tenant compte de la nécessité d’un pluralisme médiatique.

 

  • Recommandation 4 : maintenir une relation saine et cordiale avec la presse

La défense des valeurs et principes constitutionnels en matière de liberté de la presse et de parole devrait être intégrée à la pratique quotidienne de tout fonctionnaire, à commencer par ses relations avec les médias.

 

RSF demande aux conseillers municipaux, ainsi qu’à leurs assistants et leurs employés, d’entretenir des relations cordiales et respectueuses avec tous les journalistes, et médias, sans exception. Les conseillers ne devraient pas privilégier certains journalistes ou médias en matière d’interview, et ne devraient pas interdire l’accès à un lieu public aux journalistes ou aux médias exerçant leur mission d’information.

 

  • Recommandation 5 : encourager le journalisme indépendant et local, ainsi que la pluralité des médias

Près des deux-tiers des municipalités brésiliennes ne possèdent pas leur propre production journalistique. Elles forment ce qu’on appelle « les nouveaux déserts », qui isolent les individus et les empêchent d’accéder à une actualité et une information qui les concernent de près. Or une large et libre circulation de l’information en dehors de grands centres urbains est l’une des garanties de la démocratie.

 

RSF exhorte les conseillers municipaux à se montrer attentifs à une législation favorable au journalisme local et indépendant, que ce soit à travers la publicité ou des financements directs, afin d’encourager la circulation d’informations sur la vie sociale, la politique et la vie culturelle de la municipalité. RSF les appelle également à tenir des audiences publiques où des journalistes et des rédacteurs en chef locaux puissent faire entendre leur voix, pour s’assurer que la législation réponde aux besoins spécifiques de la municipalité.

 

Le Brésil occupe la 107e place sur 180 pays dans le Classement mondial pour la liberté de la presse établi par RSF en 2020.

Publié le
Updated on 17.11.2020