Cinq chroniqueurs risquent jusqu'à 10 ans de prison

Le ministère public a décidé, le 3 décembre 2005, d'intenter un procès à l'encontre de cinq journalistes qui avaient critiqué une décision du tribunal administratif d'Istanbul interdisant une conférence universitaire sur la question arménienne, en septembre dernier. Ismet Berkan, Murat Belge, Erol Katircioglu, Haluk Sahin, du journal Radikal (centre gauche), ainsi que Hasan Cemal, du quotidien Milliyet (centre), risquent de 6 mois à 10 ans de prison pour avoir commenté cette décision de justice. Ces journalistes respectés, appartenant au puissant groupe de médias Dogan, devront comparaître le 7 février 2006 devant le tribunal correctionnel d'Istanbul suite à une plainte déposée par l'Union des Juristes, une association d'avocats nationalistes. « Ce procès intenté contre des grandes figures de la presse libérale turque montre le durcissement des condamnations qui visent les journalistes depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal en Turquie le 1er juin 2005 », s'est inquiétée Reporters sans frontières. Quatre des cinq chroniqueurs tombent sous le coup du controversé article 301 (également utilisé contre le célèbre écrivain turc Orhan Pamuk, actuellement en procès) concernant « l'humiliation de l'identité turque, la République, les institutions et organes d'Etat » (alinéa 1). L'alinéa 2 de l'article sanctionne l'humiliation ouverte au gouvernement, aux organes judiciaires, à l'armée ou la police. « Les peines requises dans cette affaire sont totalement disproportionnées pour un pays qui souhaite rejoindre l'Union européenne. La Turquie refuse que ses journalistes puissent critiquer leurs propres institutions. Cette affaire vient noircir le tableau des atteintes à la liberté d'expression dans ce pays, condamné encore hier par la Cour européenne des droits de l'homme pour avoir envoyé en prison un membre du Parti de la démocratie et de la paix (DBT)», a déclaré Reporters sans frontières . Après avoir invoqué l'article 125 du nouveau code pénal pour « insulte par voie de presse », le système judiciaire utilise désormais l'article 301-1 concernant l'humiliation de l'identité turque élargissant ainsi le champ des condamnations qui peuvent toucher les journalistes turcs. Début octobre, l'écrivain-journaliste d'origine arménienne, Hrant Dink, a été condamné pour humiliation de l'identité turque. Emin Karaca, également journaliste-écrivain, avait été condamné le 13 septembre dernier à cinq mois de prison et 560 euros d‘amende en vertu de l'article 301-2.
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Updated on 20.01.2016