Censure massive d’Internet : le Tadjikistan à la poursuite du modèle chinois

Confronté à des mouvements de protestation, le Tadjikistan répond par la censure totale d’Internet. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une banalisation de ces blocages massifs, qui compromettent gravement le droit des citoyens tadjiks à être informés.

Le premier réflexe des autorités tadjikes face aux difficultés est de bloquer la circulation de l’information en ligne : médias indépendants, réseaux sociaux, services de messagerie instantanée et outils de contournement de la censure sont largement inaccessibles dans le pays depuis le 6 novembre 2018.


Sont notamment concernés le site d’information Asia-Plus, mais aussi Facebook, Youtube, les réseaux sociaux russes VKontakte et Odnoklassniki, ou encore Whatsapp et Telegram. De nombreux internautes habitués à contourner les blocages en utilisant des VPN ont rapporté que les plus connus d’entre eux étaient également inaccessibles. La censure d’Internet est devenue habituelle au Tadjikistan ces dernières années, mais elle reste généralement en-deçà du pic actuel. Des sites d’information de référence comme Ferghana ou Akhbor sont bloqués en permanence, d’autres plus sporadiquement.


« La banalisation de ces blocages massifs est inacceptable, dénonce Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Les autorités doivent comprendre que réagir à tous les problèmes par la censure ne fait que favoriser la circulation des rumeurs. La communauté internationale ne doit pas s’habituer à l’extension du modèle chinois de filtrage d’Internet. »


Nouriddine Karchiboïev, président de l’Association nationale des médias indépendants du Tadjikistan (NANSMIT), partenaire de RSF, dénonce un « féodalisme administratif ». « Nous rappelons régulièrement que le blocage des médias en ligne et des sources d'information alternatives constitue une violation des droits constitutionnels des citoyens », déclare-t-il.


Comme à leur habitude, les autorités nient tout blocage et invoquent des « problèmes techniques ». Elles se sont pourtant arrogées le monopole de l’accès national au réseau Internet début 2018, ce qui leur permet désormais de bloquer n’importe quelle ressource sans passer par les fournisseurs d’accès. Une possibilité mise en pratique dès cet été, suite à l’assassinat retentissant de quatre touristes étrangers.


Cette nouvelle vague de blocages intervient sur fond de tensions dans certaines parties du pays, et après la publication par Asia-Plus d’un article sur les avantages économiques accordés à des hommes d’affaires proches du pouvoir. Des manifestants se sont rassemblés le 6 novembre à Khorog, dans le sud du pays, pour protester contre la présence et le comportement de forces de sécurité renforcées dans la région. Au lendemain de cette manifestation, c’est à Khoudjand, dans le Nord, qu’une mutinerie dans une prison se serait soldée par plusieurs dizaines de victimes.


Le Tadjikistan occupe la 149 e place sur 180 au Classement mondial 2018 de la liberté de la presse, publié par RSF.

Publié le
Mise à jour le 15.11.2018