Brésil : un député accusé de la séquestration, l’enlèvement et la torture d’un journaliste dans l’État du Roraima

Reporters sans frontières (RSF) se félicite des avancées dans l’enquête sur le kidnapping et la torture du journaliste Romano dos Anjos, ayant abouti à l’arrestation du député Jalser Renier. La justice doit désormais établir clairement la chaîne de responsabilités dans cette affaire consternante et prononcer des sanctions exemplaires contre les auteurs des faits.

Le 1er octobre 2021, Jalser Renier, député de l’État du Roraima (nord du Brésil) a été formellement accusé d’être le commanditaire de l’enlèvement et de la torture du journaliste Romano dos Anjos, survenus en octobre 2020. Le policier en charge de l’enquête, João Luiz Evangelista, a déclaré avoir rassemblé des éléments solides prouvant que l’attaque “a été menée directement par la police militaire, en lien avec l’Assemblée législative de Roraima et sous les ordres de Jalser Renier, président de l’Assemblée au moment des faits”.


Fin septembre 2021, le site d’information G1 avait déjà revelé plusieurs interférences du député dans l’enquête. En novembre 2020, alors qu’il était encore président de l’Assemblée législative, Jalser Renier aurait menacé le gouverneur de l’État, Antônio Denarium, dans le but d’entraver l’enquête policière sur le kidnapping de Romano dos Anjos. Depuis le 5 octobre, le député est placé en résidence surveillée avec un bracelet électronique, dans l’attente de son jugement.


« RSF se félicite des avancées de l’enquête de la police de Roraima dans cette sordide affaire. La participation active du député Jalser Renier dans l’enlèvement et la torture de Romano dos Anjos est absolument consternante, déclare le directeur du bureau Amérique latine de RSF, Emmanuel Colombié. La détention préventive du député doit permettre une enquête efficace et totalement impartiale, et aboutir à des sanctions judiciaires exemplaires pour l’ensemble des responsables des faits. Les autorités brésiliennes, au niveau local comme fédéral, doivent garantir la protection des journalistes, dont le travail d’information est plus que jamais vital dans le pays”.


Le 26 octobre 2020, Romano dos Anjos, présentateur de la chaîne TV Imperial avait été séquestré, enlevé et torturé par trois hommes armés dans la région de Bom Intento, une zone rurale de Boa Vista, capitale de l’État de Roraima. Enlevé chez lui, le journaliste de 40 ans avait été porté disparu pendant 12 heures avant d’être retrouvé en périphérie de la ville, couvert d’hématomes, le bras gauche cassé et souffrant d’une luxation au pied droit. Son véhicule avait été brûlé et son épouse a été retrouvée ligotée au domicile du couple. À l’époque, aucun suspect n’avait été interpellé.


Quelques jours avant son enlèvement, Romano dos Anjos avait dénoncé dans son émission Mete Bronca des irrégularités et la corruption qui gangrènent la gestion du budget fédéral alloué à la lutte contre le Covid-19, selon Leiliane Matos, directrice de l’information d’Imperial TV.

En multipliant les critiques à la radio et à la télévision, “Romano dos Anjos était devenu un caillou dans la chaussure de Jalser Renier”, a déclaré le policier João Luiz Evangelista.


Cette arrestation intervient également dans le cadre de l'opération ‘Pulitzer’, menée par la police de Roraima et qui a mis à jour l’existence d’une véritable organisation criminelle, spécialisée dans l'espionnage, l'information et la sécurité privée, coordonnée par Jalser Renier depuis l’Assemblée législative de Roraima et composée de membres de la police militaire et de gradés de l’armée.


Dans un contexte politique tendu, la presse est de plus en plus vulnérable au Brésil. Le 9 septembre 2021, le journaliste Jerry de Oliveira, présentateur et coordinateur de la radio communautaire Rádio Noroeste FM  basée à Campinas (État de São Paulo), a été menacé de mort par un homme armé lui demandant de “ne plus dire de mal de Bolsonaro”. Il a depuis reçu d'autres menaces, dont certaines diffusées sur Internet, plaçant Jerry de Oliveira dans une situation de grande vulnérabilité. Rádio Noroeste FM est connue pour ses critiques régulières contre le président Bolsonaro et pour sa ligne éditoriale pro-droits Humains, ce qui lui vaut de recevoir régulièrement des attaques et des menaces sur les réseaux sociaux, orchestrées par la classe politique conservatrice de la ville de Campinas. Jerry de Oliveira a déposé plainte auprès du service de contrôle interne de la police de l’État de Sao Paulo. 


Le journaliste a dénoncé les menaces auprès du Programme fédéral de protection aux défenseurs des droits de l'homme et journalistes (PPDDH) brésilien. L'un des suspects d'avoir intimidé Jerry de Oliveira a été conduit par la police au commissariat afin de témoigner des faits. Das caméras de sécurités ont été installées au domicile du journaliste et dans les locaux de la radio. 


Le Brésil occupe la 107e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Mise à jour le 25.10.2021