Blocage du site de l’agence Ferghana : une régression majeure

Reporters sans frontières condamne très fermement le blocage du site de l’agence d’information Ferghana (www.fergananews.com) par la compagnie de télécommunications semi-publique Kyrgyztelecom. « Nous sommes sous le choc. Après plusieurs mois de silence, nous avions l’espoir que les parlementaires kirghizes s’étaient rendus compte de l’énormité de leur recommandation et avaient renoncé à la faire appliquer, a déclaré Reporters sans frontières. Le blocage d’un site d’information aussi professionnel et impartial que celui de l’agence Ferghana constitue une régression majeure pour un pays qui se veut ‘la première démocratie parlementaire d’Asie centrale’. Nous en appelons encore une fois à l’ensemble de la classe politique kirghize, dépositaire des espoirs démocratiques du soulèvement d’avril 2010, pour mettre fin à cette situation absurde et scandaleuse. » Le 21 février 2012, le président de Kyrgyztelecom, Askar Baratbaev, a annoncé que sa compagnie avait bloqué le site de l’agence d’information indépendante Ferghana. Cette mesure fait suite à une requête officielle de l’agence d’Etat pour la Communication. Celle-ci n’a fait qu’appliquer la recommandation en ce sens du parlement kirghize, rendue publique le 16 juin 2011. Les députés avaient accusé Ferghana d’avoir publié des informations « subjectives » et à caractère « provocateur » sur les massacres perpétrés dans le sud du pays en juin 2010. Reporters sans frontières, au contraire, avait qualifiée d’« exemplaire » sa couverture des événements (voir ci-dessous). Ferghana s’est attiré les foudres de certaines fractions politiques en s’interrogeant régulièrement sur le devenir de la démocratie kirghize et la montée du nationalisme dans le pays. On ignore pour l’instant si les autres fournisseurs d’accès ont reçu la même requête, et s’ils vont l’appliquer. ----- 17.06.2011 - Le parlement kirghize recommande la fermeture de Ferghana, un site d’information de référence Reporters sans frontières est atterrée par la recommandation du parlement kirghize de bloquer l’accès au site d’information de l’agence de presse indépendante en ligne Ferghana (www.fergananews.com). Cette requête, qui a force légale, a été adressée au Parquet général, au ministère de la Culture et au ministère de la Justice. “Demander la fermeture de Ferghana constitue une attaque profondément choquante contre l’un des principaux médias indépendants du Kirghizistan. La couverture des événements de juin 2010 par Ferghana était exemplaire par son professionnalisme et sa volonté d’apaisement. Cette requête rappelle les heures les plus sombres de la censure dans le pays et représente une violation de la liberté de la presse d’autant plus inacceptable que le pays se veut un modèle régional de démocratie parlementaire.” Le parlement kirghize a annoncé cette décision le 16 juin 2011, lors de la présentation des conclusions de la Commission d’enquête parlementaire sur les événements de juin 2010. La semaine dernière, Reporters sans frontières avait envoyé une lettre au président de cette Commission, dont émane la proposition de bloquer ce site d’information de référence pour le Kirghizistan mais aussi pour l’Asie centrale. Maintenant que cette proposition a été adoptée, l’organisation choisit de rendre cette lettre publique: ----------------------------------- Copie de la lettre envoyée à M. Tokon Mamytov, président de la Commission d’enquête parlementaire sur les événements de juin 2010, par Reporters sans frontières le 10 juin 2011. “Monsieur, Reporters sans frontières, organisation de défense de la liberté de la presse, tient à exprimer sa préoccupation quant à la recommandation de la Commission d’enquête parlementaire sur les événements de juin 2010 et concernant le site d’information en ligne de l’agence Ferghana (fergananews.com). En tant que président de la Commission, vous avez en effet annoncé en session plénière du parlement kirghize le 9 juin 2011, que le blocage du site d’information au Kirghizstan figurerait parmi les mesures proposées au terme de l’enquête parlementaire. Cette décision serait motivée par la publication “d’informations subjectives sur les affrontements de 2010” sur le site de Ferghana. Nous sommes choqués par cette attaque contre un portail d’information de référence, dont la place dans le paysage médiatique kirghize et plus généralement centre-asiatique est fondamentale. Ferghana, depuis douze ans, fournit une information de qualité sur la vie politique, économique et sociale dans la région, grâce à des journalistes au professionnalisme reconnu, et contribue à l’expression de la pluralité des voix en Asie Centrale. Le portail Internet n’est pas responsable des mauvaises nouvelles qu’il ne fait que transmettre et analyser. Lors des événements de Och, le site a fait preuve d’une responsabilité et d’un professionnalisme exemplaires. Tout en tentant de rendre compte au plus près des tragiques événements au Sud de la république, il a multiplié les appels au calme et constamment expliqué que les affrontements avaient été provoqués. L’enquête parlementaire ne sortira pas grandie si elle est assortie d’une attaque en règle contre les médias indépendants. La fermeture de Ferghana serait un signe terrible pour la liberté d’expression de la part du nouveau pouvoir. En effet, les précédentes attaques contre le site ont toujours coïncidé avec des pics de répression, comme en 2005 et en 2010, à la veille de la chute des présidents Askar Akaïev et Kurmanbek Bakiev. En tant que représentant d’un organe démocratique, vous ne sauriez appeler à la suppression de l’une des sources d’information les plus reconnues de votre pays. En vous remerciant par avance de toute l’attention que vous porterez à notre requête, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma haute considération.” Jean-François Julliard Secrétaire général de Reporters sans frontières Читать по-русски :
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Mise à jour le 20.01.2016