Reporters sans frontières rend hommage à Jean Dominique, sept ans après son assassinat, le 3 avril 2000 à Port-au-Prince. L'organisation constate en même temps que l'instruction, théoriquement relancée depuis deux ans, n'a connu aucune avancée significative et que les assassins présumés du journaliste courent toujours.
Sept ans après l'assassinat de Jean Dominique, directeur de la station de radio Haïti Inter, le 3 avril 2000 à Port-au-Prince, Reporters sans frontières constate que l'enquête, théoriquement relancée il y a deux ans, n‘a toujours donné aucun résultat.
“La victoire sur l'insécurité et la loi des gangs, dont un a exécuté le photographe Jean-Rémy Badiau, le 19 janvier dernier, prendra évidemment du temps. Le système judiciaire haïtien doit se reconstruire. Néanmoins, l'année 2006 semblait augurer d'une vraie relance du dossier Jean Dominique, avec l'élection à la présidence de la République de René Préval, autrefois très proche de la victime, et la nomination de Claudy Gassant, premier magistrat instructeur de l'affaire, au poste de Commissaire du gouvernement près le tribunal civil de Port-au-Prince. Comment expliquer que, depuis, aucun des tueurs présumés, pourtant identifiés et localisés, n'ait été appréhendé. Dans ces conditions, il sera difficile de rendre justice”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 3 avril 2000, Jean Dominique, directeur et analyste politique de Haïti Inter et Jean-Claude Louissaint, réceptionniste de la radio, étaient abattus dans l'enceinte de la station. L'enquête, conclue le 21 mars 2003, avait abouti à l'inculpation et à l'incarcération de six individus : Dymsley Milien dit “Ti Lou”, Jeudi Jean-Daniel dit “Guimy”, Philippe Markington, Ralph Léger, Freud Junior Demarattes et Ralph Joseph. Les trois derniers ont été relaxés en appel le 4 août 2003.
Le 14 mars 2004, Harold Sévère, ancien maire adjoint de Port-au-Prince et Ostide Pétion alias “Douze”, ont été arrêtés comme commanditaires présumés de l'assassinat. Le 10 mai suivant, Annette Auguste, interpellée dans une autre affaire, avait été également mise en cause. Aucune de ces trois personnes n'a pourtant été soumise au moindre interrogatoire. Les déclarations du tueur présumé “Ti Lou”, qui aurait reçu la somme de 10 000 dollars pour exécuter Jean Dominique, n'ont jamais fait l'objet de la moindre vérification. Enfin, la mort suspecte de deux témoins n'a jamais été éclaircie.
En février 2005, “Ti Lou”, “Guimy” et Philippe Markington ont profité d'une mutinerie pour s'évader de prison. En fuite en Argentine, Philippe Markington avait contacté Reporters sans frontières pour protester de son innocence. En septembre 2005, une délégation de l'organisation en visite à Port-au-Prince avait appris de plusieurs proches du dossier Jean Dominique que “Ti Lou” et “Guimy” se trouvaient dans la localité de Martissant, près de la capitale haïtienne, où ils dirigeaient un gang, en toute impunité.
Le 29 juin 2004, à la suite d'une première mission d'enquête de Reporters sans frontières, la Cour de cassation avait ordonné la réouverture du dossier. Il aura pourtant fallu près d'un an pour que soit désigné un nouveau juge d'instruction, le 3 avril 2005 - soit cinq ans jour pour jour après les faits -, sans que ce dernier puisse avoir accès au dossier et dispose des moyens nécessaires à son enquête.