2000 jours après le "mardi noir", Reporters sans frontières appelle la diaspora à intervenir en faveur des journalistes incarcérés

A la veille du 2000e jour après le "mardi noir" du 18 septembre 2001, Reporters sans frontières appelle la diaspora érythréenne à demander des explications au gouvernement d'Asmara pour la disparition de fait d'au moins quatorze journalistes dans les geôles du pays, dont quatre auraient trouvé la mort.

A la veille du 2000e jour après le "mardi noir" du 18 septembre 2001, Reporters sans frontières appelle la diaspora érythréenne à demander des explications au gouvernement d'Asmara pour la disparition de fait d'au moins quatorze journalistes dans les geôles du pays, dont quatre auraient trouvé la mort. "Le 10 mars 2007, cela fera deux mille jours que le président Issaias Afeworki et ses ministres ont ordonné à tous les journaux privés de stopper leur parution et procédé à l'arrestation de l'essentiel des journalistes de la capitale. La diaspora érythréenne, dont le rôle a été si déterminant pour soutenir la guerre d'indépendance, doit aujourd'hui faire entendre sa voix et exiger du président Issaias Afeworki qu'il respecte la Constitution et les lois de leur pays. Il est urgent qu'il donne des explications sur les prisonniers d'opinion qui ont disparu et qu'il libère ceux qui n'ont pas succombé aux conditions de détention épouvantables qui règnent dans les prisons du pays", a ajouté Reporters sans frontières. Le mardi 18 septembre 2001 à l'aube, la police a procédé à l'arrestation d'une dizaine de personnalités politiques importantes, députés, anciens ministres et vétérans de la guerre d'indépendance, signataires d'un appel à la démocratisation du pays. Les huit journaux privés paraissant à Asmara ont reçu l'ordre de stopper leur parution. Dans les jours qui ont suivi, au moins dix journalistes ont été arrêtés. Parmi eux, Fessehaye Yohannes, dit "Joshua", célèbre homme de théâtre et journaliste de Setit, vétéran de la guerre d'indépendance, qui est mort en détention le 11 janvier 2007 à Eiraeiro, une prison militaire secrète, dans le nord-est du pays ; Dawit Isaac, cofondateur de l'hebdomadaire le plus lu du pays, Setit, poète et dramaturge possédant également la nationalité suédoise, dont on est sans nouvelles depuis une brève libération, en novembre 2005 ; Dawit Habtemichael, diplômé en physique de l'université d'Asmara et rédacteur en chef adjoint de Meqaleh, arrêté dans la rue alors qu'il retournait enseigner après s'être caché plusieurs jours ; Mattewos Habteab, fondateur et rédacteur en chef de Meqaleh, qui venait à peine de sortir de six semaines de détention à la prison militaire d'Asmara ; Seyoum Tsehaye, ancien directeur de la télévision nationale, ancien professeur de français devenu photographe indépendant après avoir appris le métier dans les rangs de la guérilla indépendantiste ; Emanuel Asrat, ancien combattant de la guerre d'indépendance, diplômé en agronomie, rédacteur en chef de Zemen ; Temesghen Gebreyesus, journaliste sportif et membre du conseil d'administration de Keste Debena, interpellé le 20 septembre. Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, en plus de Fessehaye "Joshua" Yohannes, trois journalistes seraient morts en détention ces dernières années à Eiraeiro. Parmi les neuf journalistes qui seraient prisonniers dans ce complexe pénitentiaire, Yusuf Mohamed Ali, rédacteur en chef de Tsigenay, ancien combattant âgé de la cinquantaine, serait décédé le 13 juin 2006. Medhanie Haile, diplômé en droit, rédacteur en chef adjoint et cofondateur de Keste Debena, arrêté à son domicile le 18 septembre, serait décédé en février 2006. Said Abdulkader, fondateur et rédacteur en chef de Admas, copropriétaire avec son père d'une imprimerie, serait décédé en mars 2005. En février 2002, alors que le climat était devenu irrespirable à Asmara et que les ambassadeurs de l'Union européenne avaient été rappelés "pour consultation", trois journalistes du service arabe des médias gouvernementaux, les derniers à pouvoir fonctionner en Erythrée, sont venus s'ajouter à la liste des prisonniers politiques. Hamid Mohamed Said, journaliste du service des sports et du service international de la chaîne Eri-TV, Saidia Ahmed, jeune journaliste de la télévision et Saleh Al Jezaeeri, de la radio Dimtsi Hafash et du quotidien Haddas Eritrea ont été arrêtés pour des raisons obscures. Plus récemment, une dizaine de journalistes des médias gouvernementaux ont été pris dans une vague d'arrestations lancée le 12 novembre 2006, suite à la défection de plusieurs journalistes célèbres. Les autorités, singulièrement irritées par ces défections, les ont arrêtés parce qu'ils étaient suspectés d'être restés en contact avec les fugitifs ou de chercher à fuir eux-mêmes. Tous, sauf Daniel Musie, du service en oromo de Radio Dimtsi Hafash, ont été relâchés sous caution et vivent aujourd'hui en liberté surveillée à Asmara. On ignore ce que les journalistes encore en détention sont devenus. Leurs familles n'ont pas le droit de leur rendre visite et craignent de demander de leurs nouvelles, par peur de représailles. Des membres des familles de ceux qui sont parvenus à fuir le pays ont été expulsés de leur domicile. D'autres ont été arrêtés. Certains sont détenus dans la prison militaire d'Adi Abeto, à la sortie nord d'Asmara. Le prix de la Presse et le prix de la Liberté d'expression a été décerné le 2 mars 2007 à Dawit Isaac par le Club de la presse suédoise et sera remis à sa famille le 14 mars, au 2000e jour de son incarcération. Le co-fondateur de Setit avait été arrêté le 23 septembre 2001. Selon les informations de Reporters sans frontières, il est toujours en vie et est détenu à Asmara.
Publié le
Updated on 20.01.2016