A l'occasion du 16e anniversaire de l'indépendance de l'Erythrée, le 24 mai 2007, Reporters sans frontières appelle l'Union européenne à revoir sa politique envers l'un des pays les plus fermés au monde et, notamment, à prendre des sanctions personnelles contre son président, Issaias Afeworki (photo).
A l'occasion du 16e anniversaire de l'indépendance de l'Erythrée, le 24 mai 2007, Reporters sans frontières appelle l'Union européenne à revoir sa politique envers l'un des pays les plus fermés au monde et, notamment, à prendre des sanctions personnelles contre son président, Issaias Afeworki. L'organisation estime incompréhensible que, par exemple, le président zimbabwéen, Robert Mugabe, ou le président du Bélarus, Alexandre Loukachenko, fassent l'objet de mesures d'interdiction de circuler sur le territoire européen, tandis que l'un des dictateurs les plus brutaux du continent africain peut être reçu par un Commissaire européen qui, de plus, se dit "très, très honoré" de sa visite.
"Au-delà du 'deux poids, deux mesures' de cette politique, la nouvelle approche européenne de la question de l'Erythrée est désastreuse pour ceux qui subissent la terreur de son gouvernement et les treize journalistes disparus dans les geôles érythréennes depuis 2001. Incohérente et dangereuse, cette nouvelle politique offre au président Issaias Afeworki l'occasion de célébrer sa victoire, d'imposer davantage son pouvoir et de continuer à renier impunément ses engagements. Sans remettre en cause l'aide à la population érythréenne, ne plus permettre à l'avenir au chef de l'Etat érythréen de venir parader à Bruxelles serait la moindre des choses", a déclaré Reporters sans frontières.
L'Erythrée, officiellement indépendante depuis le 24 mai 1993, est l'un des rares pays du monde sans presse privée. Depuis septembre 2001, parmi les centaines de prisonniers politiques, au moins treize journalistes sont détenus au secret, sans procès et sans contact avec l'extérieur. Selon les informations de Reporters sans frontières, au moins quatre d'entre eux ont trouvé la mort en prison, suite aux conditions de détention épouvantables dans lesquelles ils sont maintenus. Le président Issaias Afeworki est considéré comme l'un des "prédateurs de la liberté de la presse" par Reporters sans frontières.
Le 4 mai, lendemain de la Journée internationale de la liberté de la presse, le Commissaire européen au développement et à l'aide humanitaire, Louis Michel, a reçu le président érythréen Issaias Afeworki à Bruxelles (photo ci-contre). Se disant "très, très honoré de (le) recevoir à la Commission", Louis Michel a annoncé l'octroi d'une enveloppe de 122 millions d'euros d'aide sur cinq ans au petit pays de la Corne de l'Afrique, permettant de "financer prioritairement les programmes de renforcement des capacités administratives, les infrastructures et l'aide alimentaire". L'accord financier est assorti d'une clause disant qu'en "contrepartie, l'Union européenne demande au gouvernement d'Asmara d'adopter une approche constructive dans la résolution des crises régionales, ainsi que des progrès en matière des droits de l'homme et de liberté de la presse".
Lors de la conférence de presse commune que les deux hommes ont tenue à Bruxelles, le président érythréen a balayé avec mépris les questions critiques des journalistes sur la question des droits de l'homme. Interrogé par Reporters sans frontières sur la chaîne de télévision France 24 sur sa stratégie vis-à-vis de l'Erythrée, Louis Michel s'est défendu en affirmant que le sort des journalistes incarcérés faisait partie des questions systématiquement soulevées dans ses rencontres bilatérales avec le président Issaias, mais en vain. Selon lui, l'octroi de l'aide financière s'inscrit dans une "stratégie globale pour la Corne de l'Afrique", estimant qu'il n'y aura "de solution pour aucun pays de la région sans solution globale".