Épilogue des procès Bolloré contre France 2: “Il est temps de mettre un terme aux procédures-bâillons contre les journalistes”
Après deux ans de procédures engagées par le groupe de Vincent Bolloré contre France 2 et l’un de ses journalistes, les premiers jugements sont attendus dans les prochains jours. Reporters sans frontières (RSF) espère que les décisions prises enverront un message clair contre les actions judiciaires à répétition utilisées pour faire pression sur les journalistes qui enquêtent sur les activités du groupe industriel.
Le tribunal correctionnel de Nanterre doit rendre mardi 5 juin son jugement dans le procès en diffamation intenté par le groupe de Vincent Bolloré qui réclame 450 000 euros de dommages et intérêts à France 2 et son journaliste Tristan Waleckx. La semaine suivante, le 12 juin, c’est le tribunal de commerce de Paris qui devra se prononcer après avoir été saisi par le groupe de l’homme d’affaires qui demande cette fois 50 millions d’euros à France 2 pour avoir porté atteinte à ses intérêts commerciaux.
En tout, le portrait réalisé pour le magazine Complément d’enquête “Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien” et diffusée en 2016 vaut à la chaîne d’être poursuivie dans trois procédures différentes depuis bientôt deux ans. Les journalistes qui ont mené l’enquête risquent également d’être condamnés à six mois de prison ferme par le tribunal de grande instance de Douala au Cameroun où une partie du reportage a été tournée.
En janvier dernier, dans une tribune commune, journalistes et médias avaient dénoncé ces “poursuites-bâillons”, ces actions en justice “systématiques” du groupe Bolloré qui visent à “faire pression” sur les journalistes enquêtant sur les activités du géant économique. Même si l’ensemble de ces procédures ont peu de chance d’aboutir, “elles sont extrêmement chronophages et épuisantes” confirme le journaliste Tristan Waleckx, joint par RSF.
“Ces procédures qui durent depuis deux ans n’ont que trop duré. Il est temps de mettre un terme à ces multiples poursuites qui relèvent du harcèlement judiciaire, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Par ailleurs, les journalistes n’ont pas à être exposés à des poursuites d’ordre commercial à chaque fois que leurs enquêtes déplaisent à certains intérêts économiques Nous comptons sur les juges pour qu’ils rejettent l’ensemble des accusations et ainsi envoyer un message clair contre les procédures-bâillons dont le groupe Bolloré use et abuse contre les journalistes”.
Dans le reportage de 72 minutes sur Vincent Bolloré et les activité de son groupe, Tristan Waleckx rapporte notamment les témoignages d’employés de la Socapalm, une société qui produit de l’huile de palme au Cameroun et dont l’industriel français est actionnaire minoritaire, travaillant sans protection dans des conditions précaires. L’enquête fait également état de soupçons de “passe-droits” dans l’attribution d’une concession portuaire à Kribi à l’ouest du Cameroun en 2015. Les avocats du groupe industriel estiment cette présentation de la réalité “tronquée”, “falsifiée” et “de mauvaise foi”.
Depuis sa diffusion, le reportage a été primé en 2017 par le prix Albert Londres, l’une des plus prestigieuses récompenses dans le domaine du journalisme.
La France et le Cameroun occupent respectivement la 33ème et la 129ème place du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2018.