Élections présidentielles au Mexique : la lutte contre la violence et l'impunité des crimes contre les journalistes doit être une priorité pour les candidats

Les coalitions des partis politiques de gauche et de droite viennent de désigner leurs candidates à l'élection présidentielle. Alors que le Mexique s’est installé depuis 2017 au premier rang des pays les plus meurtriers pour les journalistes, Reporters sans frontières (RSF) appelle les candidats à faire de la protection des professionnels de l’information une priorité de leurs programmes.

Dans la course à la présidentielle mexicaine prévue en juin 2024, les deux principales candidates pour gouverner le pays pendant les six prochaines années sont désormais connues. À droite, la sénatrice Xochitl Galvez a été désignée le 3 septembre à la tête du front de l’opposition, “Frente amplio”. L’ancienne maire de la capitale, Mexico, Claudia Sheinbaum (photo), représentera, elle, le parti de gauche au pouvoir depuis 2018, le Mouvement Régénération nationale (Morena.) Le Mouvement Citoyen, un parti centriste, n'a pas encore déterminé s'il présentera son propre candidat, ou s'il se ralliera à l'une des deux coalitions.

Reporters sans frontières (RSF) invite les  candidats, qui ne se sont pas encore prononcés sur le fléau des violences contre les professionnels des médias à se saisir de l’ampleur du problème, qui ne fait que s’aggraver depuis 20 ans. 2022 a été, à ce titre, l'année la plus meurtrière, avec 11 journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions.

"Le Mexique ne peut pas accepter de demeurer, année après année, le pays le plus meurtrier pour les journalistes. La liberté de la presse, le droit d’informer et la lutte contre l'impunité doivent être au cœur de la campagne électorale et des programmes des candidats. La violence contre la presse n'est pas un problème qui affecte uniquement l'intégrité physique des journalistes et la vie de leurs familles. C’est toute la société qui est impactée quand le droit à être informé par une presse libre est violé.

Artur Romeu
Directeur du bureau Amérique Latine de RSF

Depuis 2000, 149 professionnels de l’information ont été tués au Mexique, selon le Baromètre de RSF. Trente journalistes sont par ailleurs toujours portés disparus, sans preuves de vie à ce jour. Et le pays détient le triste record du plus grand nombre de meurtres de journalistes dans le monde depuis 2017, année où il a dépassé des pays alors en guerre comme la Syrie. A compter de cette date, le Mexique recense 14% des journalistes assassinés dans le monde.

La situation ne s’est aucunement améliorée sous le mandat de l’actuel président de la République, Andrés Manuel Lopez Obrador (dit AMLO). Le Mexique a au contraire consolidé cette terrible position de pays le plus meurtrier au monde pour les journalistes, avec 37 journalistes tués et 6 portés disparus depuis décembre 2018. 

Dernier en date : le meurtre du fondateur et directeur du média en ligne Lo Real de Guerrero, Nelson Matus, survenu le 15 juillet dans la cité balnéaire d’Acapulco, dans l’État de Guerrero. Cet assassinat par balle a eu lieu une semaine après la découverte du corps sans vie du correspondant du quotidien national de référence La Jornada Luis Martín Sánchez dans l’État de Nayarit, dans l’ouest du pays. Les violences à l'encontre des journalistes redoublent dans ces régions où les cartels sont les plus présents mais la violence s'est banalisée et fait désormais irruption dans la capitale México, jusqu’à lors épargnée. Le présentateur de la chaîne Imagen Televisión Ciro Gómez Leyva y a échappé à une tentative d’homicide en décembre dernier.

La sécurité des journalistes est aujourd’hui gravement menacée dans un nombre croissant de régions, où la loi du silence s'impose désormais aux journalistes craignant pour leur vie. Ils sont parfois même contraints de quitter leurs foyers et leurs villes d’origine pour leur sécurité et celle de leurs familles.

En dépit de cette réalité alarmante, Obrador n’a pas entrepris les réformes et les actions nécessaires pour endiguer la spirale de violence contre la presse. Malgré la mise en place dès 2012 d’une institution fédérale pour offrir une protection spéciale aux journalistes et la création deux ans auparavant d’un parquet spécialisé dans les atteintes à la liberté d'expression, 97 % des crimes contre les journalistes restent impunis au Mexique, selon les informations recueillies par RSF depuis 20 ans.

"Les discours stigmatisants à l’encontre des journalistes et des médias se sont répandus au Mexique, et proviennent parfois directement d’agents de l’Etat. Ils amplifient un climat de violences déjà bien installé depuis des années. RSF appelle les candidats en lice pour la présidence à faire de la lutte contre les violences à l’encontre des professionnels des médias une priorité de leurs programmes et à relever les deux défis prioritaires que sont :  la protection des journalistes et le combat contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes.

Balbina Flores
Représentante de RSF au Mexique

RSF tire la sonnette d’alarme et appelle la société civile et les citoyens à veiller à ce que les candidats abordent les questions suivantes lors des élections :

  • Quelles propositions ou actions seront entreprises en matière de politique de protection des journalistes ?

     
  • Quels seront les principaux engagements pour lutter contre l'impunité quasi-totale dans les cas d'assassinats de journalistes ?

     
  • Quelles mesures seront prises pour arrêter de stigmatiser la presse et reconnaître son travail comme un exercice important pour une société démocratique ?

     
  • Quels engagements seront pris pour garantir le droit des citoyens à l'information ?
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