Élection présidentielle en RDC : RSF invite les candidats à prendre 10 engagements pour la liberté de la presse

Dans un appel publié ce 19 octobre, Reporters sans frontières (RSF) demande aux candidats à l’élection présidentielle de prendre publiquement dix engagements pour soutenir la liberté de la presse et promouvoir la sécurité des journalistes dans le pays. En priorité, l’organisation leur demande d’affirmer leur soutien public à la demande d’abandon des charges contre les journalistes arbitrairement détenus dont Stanis Bujakera Tshiamala.

À deux mois de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), RSF s’adresse à la vingtaine de candidats déclarés à ce jour pour qu’ils prennent publiquement 10 engagements solennels pour soutenir la liberté de la presse et la sécurité des journalistes.

Parmi les recommandations phares figurent celles d'œuvrer pour l’abandon des charges et la libération immédiate du journaliste Stanis Bujakera Tshiamala, détenu depuis le 8 septembre 2023, et de tous ses confrères arbitrairement détenus ; de prendre des mesures pour la pérennité du mécanisme national dédié à la sécurité des journalistes ; de réformer le cadre légal de l’exercice du journalisme ; de lutter contre l’impunité des auteurs d’assassinats de journalistes.

Attaqués, intimidés et arbitrairement arrêtés, les journalistes congolais subissent de fortes pressions de toutes parts. Cela doit changer. Nous adressons un appel aux candidats pour qu’ils s’engagent publiquement à mettre la liberté de la presse, la sécurité des journalistes et le droit à une information fiable au cœur de leurs engagements et de leurs programmes. Nous les appelons à souscrire aux dix engagements pour la liberté de la presse proposés par RSF. Et, en premier lieu, à soutenir publiquement l’abandon des charges contre Stanis Bujakera Tshiamala et à appeler à sa libération, ainsi qu’à celles de tous les journalistes emprisonnés pour avoir fait leur travail.

Antoine Bernard
Directeur Plaidoyer et assistance de RSF

Lutter contre l’impunité

En signant l’appel, les candidats s’engagent à combattre l’impunité dont bénéficient, à l’heure actuelle, les auteurs d’assassinats de journalistes, dans un contexte de violences répétées contre les professionnels de l’information de la RDC.

Ces quatre dernières années, RSF y a recensé 290 exactions contre des professionnels des médias. Les meurtres des journalistes Joël Musavuli, directeur de la radiotélévision communautaire de Babombi (RTCB) dans la province de l’Ituri, et Héritier Magayane de la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC) en 2021 figurent dans ce bilan sombre de même que celui, deux années plus tôt, de Papy Mahamba Mumbere, présentateur de la radio communautaire de Lwemba à l’est du pays. 

Outre les nombreuses menaces de mort contre les journalistes, les disparitions forcées, entre juin 2020 et février 2023, de Bwira Bwalitse, directeur de la radio communautaire de Bakumbule (RCBA) et de Byamungu Garubanda, journaliste et directeur de la Voix de Mikeno illustrent les risques auxquels les professionnels des médias font face en RDC. 

 

Protéger les journalistes

RSF appelle les candidats à établir un moratoire sur les arrestations de journalistes dans l’exercice de leur fonction, et y assortir des mesures concrètes pour sensibiliser et former l’ensemble des forces de sécurité à la protection des journalistes et au respect de la liberté de la presse. 

Au moins 123 arrestations arbitraires de journalistes ont été recensées entre juin 2020 et septembre 2023, dont le cas toujours en cours de Stanis Bujakera Tshamala, correspondant du média d’actualités Jeune Afrique et de l’agence de presse britannique Reuters, également directeur de publication adjoint du site d’information congolais Actualité.cd

Alors que son procès reprend ce 20 octobre 2023, RSF qui lui a rendu visite en prison, réitère son appel à la libération de ce journaliste de renom, et demande aux candidats de dénoncer sa détention arbitraire tout comme celle du journaliste Patrick Lola (indépendant), Christian Bofaya, reporter pour la chaîne privée E Radio, arrêtés depuis janvier 2022 et Diego Kayiba, derrière les barreaux depuis avril 2023. 

 

Pérenniser et soutenir les médias

Parmi les autres recommandations, RSF appelle les candidats à s'engager à  s’abstenir de toutes pressions contre des journalistes ; faire de la radiotélévision nationale congolaise (RTNC) un véritable média de service public ouvert à tous les courants d’opinion ;  oeuvrer à un soutien économique pérenne des médias ; utiliser la norme Journalism Trust Initiative (JTI) comme critère d’éligibilité aux aides publiques destinées aux médias d’intérêt général ; favoriser l’indépendance et la professionnalisation du secteur des médias.

La RDC occupe la 124e place au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2023.

APPEL POUR L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2023 EN RDC

10 ENGAGEMENTS SOLENNELS DES CANDIDATS OFFICIELS pour soutenir la liberté de la presse et la sécurité des journalistes 

 

Candidat à l’élection présidentielle du 20 décembre 2023, je m’engage solennellement, devant les électeurs et électrices de la République Démocratique du Congo, à : 

 

1. Soutenir publiquement l’abandon des charges retenues contre Stanis BUJAKERA TSHIAMALA et les autres journalistes arbitrairement détenus et leur libération immédiate 

2. Établir un moratoire sur les arrestations de journalistes dans l’exercice de leur fonction, et y assortir des mesures concrètes pour sensibiliser et former l’ensemble des forces de sécurité à la protection des journalistes (en particulier, lorsqu’ils couvrent des échéances électorales) et au respect de la liberté de la presse ; 

3. Combattre l’impunité dont bénéficient les auteurs d’assassinats de journalistes, en ouvrant des enquêtes de manière systématique et en relançant celles déjà ouvertes sur des assassinats de journalistes ; 

4. Garantir la pérennité et l’efficacité du mécanisme national dédié à la sécurité des journalistes en assurant qu'il soit transparent, doté d'un budget propre voté par le Parlement, et que sa composition demeure inclusive et son fonctionnement collaboratif ;

5. M’abstenir de toutes pressions contre des journalistes et condamner systématiquement et publiquement les tentatives de discrédit et autres attaques verbales provenant d’acteurs politiques, et en particulier émanant des membres de mon parti et de mon administration ; 

6. Poursuivre la réforme du cadre légal, en abrogeant les peines privatives de liberté pour les délits de presse; en améliorant la loi n°23/009 relative à l’exercice de la liberté de la presse sur consultation de la profession et de la société civile; et en permettant aux journalistes de presse étrangère de s’accréditer gratuitement ; 

7. Faire de la radiotélévision nationale congolaise (RTNC) un véritable média de service public ouvert à tous les courants d’opinion

8. Oeuvrer à un soutien économique pérenne des médias à travers une distribution plus transparente des aides à la presse, ainsi qu’en instaurant des mesures d’allégement fiscal comme la suppression des droits et taxes dûs au ministère de la Communication et à l’ANR ; 

9. Utiliser la norme Journalism Trust Initiative (JTI) comme critère d’éligibilité aux aides publiques destinées aux médias d’intérêt général ;

10. Favoriser l’indépendance et la professionnalisation du secteur des médias à travers le renforcement des prérogatives du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), et à travers la mise en place d’une instance d’autorégulation, le Conseil national de la communication et des médias.

Fait à Kinshasa,

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République démocratique du Congo
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