Voice of America et SW Radio Africa brouillées en ondes moyennes à Harare : le sabotage d'Etat des radios indépendantes continue
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Reporters sans frontières dénonce le brouillage continu des radios indépendantes diffusant depuis l'extérieur du territoire du Zimbabwe, après avoir appris que les émissions de la radio publique américaine Voice of America (VOA) étaient devenues la nouvelle cible du sabotage d'Etat orchestré par le gouvernement de Harare, avec la complicité de la Chine.
“Ce nouveau cas de brouillage montre le mépris que le gouvernement de Harare a pour sa propre population, à qui il bouche les oreilles pour l'empêcher d'entendre les voix qui lui déplaisent. Il serait utile que le médiateur de l'Organisation des Nations unies (ONU), l'ancien président tanzanien Benjamin M'Kapa, exige la fin de cette campagne perverse. L'ONU et l'Union africaine (UA) doivent se rendre compte que la pénétration des marchés africains par la Chine entraîne aussi la sophistication des moyens de répression et de censure”, a déclaré Reporters sans frontières.
Depuis la deuxième quinzaine de juin 2006, les émissions de Studio 7, le programme de VOA destiné au Zimbabwe, sont parasitées par un “bruit de crécelle”, identique à celui qui couvre depuis février 2005 les émissions en ondes courtes de la station privée SW Radio Africa, basée à Londres, et les émissions de Voice of the People (VOP), basée à Amsterdam, depuis septembre 2005. Reporters sans frontières s'est procurée un enregistrement de la fréquence brouillée de SW Radio Africa et le publie sur son site (Cf. ci-dessous).
“Il y a un certain brouillage de la diffusion de Studio 7, mais, jusqu'à présent, les interférences semblent limitées aux émissions en ondes moyennes à Harare, a déclaré le 29 juin le directeur de VOA, David S. Jackson. Par conséquent, une partie de nos fidèles auditeurs, à travers le Zimbabwe, est encore susceptible d'entendre nos émissions en ondes courtes sans problème. Nous prenons au sérieux les cas d'interférence et nous continuons à observer de près la situation.” Studio 7 est un projet de la radio publique américaine, préparé par des journalistes zimbabwéens en exil, visant à diffuser une information alternative vers le Zimbabwe, où il n'existe aucune radio ou télévision privée. Diffusé du lundi au vendredi de 7 heures à 8 heures 30 (17 heures à 18 heures 30 GMT), le programme est découpé en segments de 30 minutes proposés en anglais, en shona et en ndebele, deux langues vernaculaires.
“Depuis le début du mois, il y a eu des avancées significatives dans nos efforts pour empêcher la propagande américaine de nous atteindre. Notre équipe s'attelle désormais à bloquer totalement le signal qui est diffusé depuis le Botswana”, a déclaré le 26 juin un responsable anonyme du Central Intelligence Organisation (CIO, services de renseignements) au site Zim Online, basé en Afrique du Sud.
Parallèlement, les émissions matinales de SW Radio Africa en ondes moyennes sont brouillées depuis le 26 juin, selon la directrice de la radio, Gerry Jackson. “Le brouillage semble plutôt localisé et concentré sur Harare, a-t-elle déclaré le 4 juillet. Il semble que cela suive le même schéma et survienne en même temps que le brouillage des émissions de Studio 7, le programme de VOA en ondes moyennes, dans la soirée.”
Les émissions en ondes courtes de SW Radio Africa avaient commencé à être brouillées en février 2005, quelques semaines avant des élections législatives controversées. Le 29 mars, le porte-parole de la présidence zimbabwéenne, George Charamba, s'était publiquement réjoui de ce brouillage, sans confirmer expressément qu'il était du fait du gouvernement. Si le gouvernement n'avait pas l'expertise technologique pour brouiller les émissions de SW Radio Africa, il était “temps d'acquérir les équipements nécessaires”, avait-il déclaré, deux jours avant le scrutin.
En septembre 2005, les émissions de la station privée Voice of the People (VOP), émettant depuis un relais de la radio publique néerlandaise à Madagascar, avaient été affectées par le même bruit parasite que SW Radio Africa, rendant ses programmes inaudibles. VOP a été créée en juin 2000, par des anciens employés de l'entreprise publique Zimbabwe Broadcasting Corporation (ZBC), grâce à l'appui de la fondation Soros et à celui d'une ONG néerlandaise, la fondation Hivos. Ses locaux de Harare avaient été perquisitionnés, le 4 juillet 2002, et du matériel avait été emporté par la police. Ils avaient par la suite été la cible d'un attentat à la bombe, le 29 août 2002, détruisant la totalité de ses infrastructures. Malgré cela, la radio avait pu reprendre ses émissions. En décembre 2005, l'ensemble de son personnel présent au Zimbabwe a été détenu plusieurs jours, puis inculpé pour avoir exercé le journalisme sans l'autorisation de la Commission des médias et de l'information (MIC), un organisme de régulation aux ordres du pouvoir. Leur procès, qui devait avoir lieu en juin 2006, a été reporté. La direction de VOP et les employés de la chaîne risquent jusqu'à cinq ans de prison.
Selon des sources locales, ce sabotage des radios zimbabwéennes en exil a commencé après l'arrivée à Harare, en janvier 2005, d'un groupe de techniciens chinois en vertu d'un accord commercial entre la Chine et le Zimbabwe. Logés à l'hôtel Sheraton pendant trois mois, ceux-ci auraient mis en place, entre autres, un système de brouillage des radios depuis un émetteur de la ZBC à Gweru (Centre), ainsi que depuis le centre d'émission de la chaîne publique à Pockets Hill, située à Highlands, une banlieue de Harare.
Ces pratiques illégales, violant les règlements internationaux régissant les télécommunications, sont l'une des spécialités du gouvernement de Pékin. Le brouillage des ondes est monnaie courante en Chine, notamment contre les radios tibétaines ou étrangères qui émettent dans l'ouest du pays. Reporters sans frontières a qualifié cette politique de “grande muraille des ondes”.
Publié le
Updated on
20.01.2016