Violences policières sans précédent contre les journalistes en Bulgarie : RSF veillera à la mise en place de mesures systémiques
Au moins neuf reporters ont été frappés, intimidés ou entravés par des policiers lors d’affrontements violents en marge d’une rencontre sportive à Sofia. Se félicitant des promesses faites par le Premier ministre pour améliorer la sécurité des journalistes, Reporters sans frontières (RSF) demande leur exécution rapide.
Interrogé par RSF, le Premier ministre bulgare a annoncé, ce 22 novembre, une série de mesures en réponse aux agressions de journalistes par la police, une semaine plus tôt, en marge d’un match de football de qualification pour l’Euro 2024, opposant les équipes bulgare et hongroise. Nikolaï Denkov a “condamné fermement” les violences policières contre les journalistes, dont l’ampleur est sans précédent ces dernières années. “Afin d’assurer l’accès des citoyens à l’information, nous devons d’abord garantir la sécurité et les droits des médias qui couvrent des événements à risque,” a reconnu le Premier ministre auprès de RSF, qui avait refusé, immédiatement après les incidents du 16 novembre, d’être “le Premier ministre d’un gouvernement qui bat les gens dans la rue”.
Depuis le soir du match, au moins six journalistes ont rapporté avoir été délibérément frappés à coups de matraque et à coups de poing par la police : Dani Yordanov et Mario Gospodinov du média en ligne Gospodari.com, Kristian Ivanov et Emil Georgiev du site sportif Sportlive.bg, Yuliyan Sutev de Darik Radio. Nikolai Parashkevov du quotidien Telegraf a été grièvement blessé à la tête. Les forces de l’ordre ont, en outre, délibérément aspergé de gaz lacrymogène le visage d’un photographe souhaitant rester anonyme ; ont exigé du photojournaliste Georgi Kozhuharov, du quotidien Dnevnik, qu’il supprime ses images ; et ont brièvement retenu Nikolai Ganchev, un autre reporter de Darik Radio.
“Nous saluons la prise de conscience au plus haut niveau du gouvernement bulgare des violences policières contre les journalistes. RSF veillera à ce que les promesses soient rapidement suivies d’actes. L’usage de la force arbitraire doit être sanctionnée de manière exemplaire. Et face aux abus de pouvoir systémiques de la police contre les reporters, la Bulgarie a besoin de mesures systémiques.
Le chef du gouvernement a déclaré auprès de RSF avoir demandé au ministre de l’Intérieur de “mener une enquête approfondie” et de “prendre des mesures adéquates envers les agents de police qui ont [...] commis des actes de violence contre les citoyens, dont des journalistes”. Le Premier ministre a également exigé la mise en place d’une stratégie de prévention et d’atténuation des risques pour les journalistes et des formations pour les forces de l’ordre.
Pour une commission d’enquête sur les violences policières
Quelques jours après les violences, l’homme politique avait annoncé la création d’une commission d’enquête au Parlement. Cependant, la polémique politique à ce sujet montre que sa mise en place n’est pas acquise. Le président du groupe parlementaire du parti Mouvement des droits et libertés (MDL), Delyan Peevski, qui jouit d’une influence au sein de la majorité, s’y oppose.
RSF soutient la création d’une telle commission parlementaire pour enquêter en particulier sur les violences à l’égard des journalistes. L’organisation demande, en plus des mesures annoncées par le Premier ministre :
- la prise en charge des enquêtes sur les violences policières contre les journalistes par une unité d’inspection policière centralisée et indépendante ;
- la mise en place d’un système d’alerte rapide pour les journalistes victimes d’agressions ;
- un dispositif de dialogue entre les forces de l’ordre et les journalistes.
Ces préconisations, formulées par RSF, en partie dès 2021, sont conformes avec la Recommandation de la Commission européenne sur la sécurité des journalistes de la même année.
La Bulgarie occupe la 71e place sur 180 pays selon le Classement mondial pour la liberté de la presse établi par RSF en 2023
