Victime d’un étouffement financier orchestré par le pouvoir, Nichane contraint de mettre la clé sous la porte

Reporters sans frontières a appris de sources sûres que l’hebdomadaire arabophone, Nichane, avait été contraint de mettre la clé sous la portes aujourd’hui, résultat d’un boycott publicitaire systématique et implacable des différents annonceurs du principal hebdomadaire arabophone du Royaume. « Il est clair que depuis sa création en 2006 Nichane dérangeait avec sa ligne éditoriale souvent critique et son indépendance de ton. Avec la fermeture de ce journal, c’est un nouvel espace d’exercice de la liberté d’expression qui disparaît, comme tel avait été le cas suite à la fermeture du Journal hebdomadaire en janvier dernier. Le pouvoir a orchestré l’asphyxie financière de Nichane. Cette pratique est abjecte, alors même que le Maroc est en train de négocier avec le Conseil de l’Europe le statut de partenaire avancé pour la démocratie. Nous exhortons les instances européennes à soutenir de manière active la presse indépendante au Maroc », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières. Le boycott publicitaire a commencé dès la création de Nichane en 2006. Les premiers à censurer financièrement l’hebdomadaire : le holding royal ONA/NSI. Les autres annonceurs (étatiques, paraétatiques ou proches du pouvoir) suivront. Reporters sans frontières rappelle que, depuis juillet 2009, la situation de la liberté de la presse au Maroc n’a cessé de se détériorer. Le 1er août 2009, le ministère de l’Intérieur avait saisi le numéro de l’hebdomadaire indépendant TelQuel (et de sa version arabe, Nichane), suite à la publication d’un sondage « Mohamed VI, 10 ans de règne », sur le bilan des dix premières années du règne du roi Mohammed VI (http://fr.rsf.org/maroc-saisie-de-deux-hebdomadaires-03-08-2009,34058.html). Le 15 octobre 2009, Driss Chahtane, du journal Al-Michaal, avait été condamné à un an de prison ferme pour un article sur la santé du roi. Les deux autres journalistes accusés dans cette même affaire, Rachid Mahamid et Mustapha Hayrane, avaient écopé de trois mois de prison ferme. Tous les trois devaient payer des dommages et intérêts de plusieurs milliers de dirhams. Incarcéré le soir même, Driss Chahtane, a été gracié le 11 juin dernier. Le 26 octobre 2009, Ali Anouzla, directeur du quotidien Al-Jarida Al-Oula, avait été condamné à un an de prison avec sursis et à 10 000 dirhams d’amende (885 euros), pour “délit de publication, avec mauvaise intention, de fausses informations, d’allégations et de faits mensongers“, suite à la publication d’un article, le 27 août 2009, qui contredisait le bulletin de santé officiel du roi. La journaliste Bouchra Eddou, poursuivie pour complicité dans la même affaire, avait été condamnée à trois mois de prison avec sursis et à 5 000 dirhams (455 euros) d’amende. Le journal Akhbar Al-Youm s’était attiré les foudres du Palais suite à la publication d’une caricature du cousin du roi, Moulay Ismaïl. Poursuivis pour “non-respect dû à un membre de la famille royale“, Taoufik Bouachrine et le caricaturiste Khalid Gueddar avaient été condamnés, en première instance, le 31 octobre 2009, à trois ans de prison avec sursis et à environ 270 000 euros de dommages et intérêts à verser solidairement au Prince. Le tribunal avait également prononcé “la fermeture définitive des locaux” du titre. (http://fr.rsf.org/maroc-taoufiq-bouachrine-et-khalid-31-10-2009,34877). Peine confirmée en appel le 29 décembre 2009. Le lendemain, le Prince avait renoncé à l’exécution du jugement en sa faveur (http://fr.rsf.org/maroc-le-cousin-du-roi-abandonne-les-30-12-2009,35518.html). Le 10 juin 2010, Taoufik Bouachrine a été condamné à six mois de prison ferme pour « escroquerie » pour avoir acheté, il y a trois ans, une maison à Rabat. Le propriétaire, qui l’accuse de ne pas avoir respecté le montant des versements prévus au moment de la vente, a porté plainte en juin 2009. Un scénario à la tunisienne pour faire taire les voix qui dérangent… Le 27 janvier 2010, les locaux du Journal hebdomadaire, à Casablanca, ont été placés sous scellés suite à une stratégie concertée de boycott publicitaire. 2010 a été marqué par les premiers emprisonnements de blogueurs au Maroc, ainsi que d’un propriétaire de cybercafé. El Bachir Hazzam, Abdullah Boukfou et Boubaker Al-Yadib ont été arrêtés pour avoir couvert des manifestations étudiantes du 1er décembre 2009 dans la ville de Taghjijte (200 km au sud d’Agadir). Ces manifestations avaient été violemment réprimées par les autorités locales.
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Updated on 20.01.2016