A une semaine des élections générales, Reporters sans frontières appelle les observateurs africains à ne pas minimiser l'importance du contrôle des médias
Le 29 mars, les Zimbabwéens sont appelés à désigner leurs président de la République, députés, sénateurs et conseillers municipaux. A une semaine du scrutin, Reporters sans frontières met en garde la mission d'observation de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) contre la tentation de minimiser l'importance du contrôle exercé sur les médias par le gouvernement et le parti au pouvoir.
A une semaine des élections générales qui doivent avoir lieu au Zimbabwe, le 29 mars 2008, Reporters sans frontières met en garde la mission d'observation de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) contre la tentation de minimiser l'importance du contrôle exercé sur les médias par le gouvernement et le parti au pouvoir. Le 19 mars, la SADC a estimé que "le climat est favorable aux élections", même si quelques "irrégularités" ont d'ores et déjà été constatées, notamment un accès inéquitable de l'opposition aux médias d'Etat.
"Les euphémismes des observateurs de la SADC tranchent avec les appels à l'aide de la société civile et des journalistes indépendants zimbabwéens. S'il y a, certes, une logique à ne pas prendre de front le président Robert Mugabe et son gouvernement pour espérer un changement, on ne peut pas faire comme si les conditions étaient réunies pour que les élections générales du 29 mars soient libres et équitables. Derrière les 'irrégularités' se trouvent de réelles anomalies structurelles, notamment dans le domaine des médias, que la prudence et la pudeur ne changeront pas. Et le jugement final de la SADC devra être fondé sur les principes et les règles qu'elle a édictés en 2004 pour tous ses membres, sans exception", a déclaré l'organisation.
Le 29 mars, les Zimbabwéens sont appelés à désigner leurs président de la République, députés, sénateurs et conseillers municipaux. Agé de 84 ans, le chef de l'Etat sortant, à la tête du parti Zimbabwe African National Union - Patriotic Front (ZANU-PF), se présente pour un sixième mandat.
Lors des élections générales précédentes, en 2002, le gouvernement avait organisé une reprise en main brutale de la société et de la presse. Il avait notamment fait adopter l'AIPPA, une loi extrêmement liberticide, pour réglementer les médias indépendants, notamment le quotidien privé Daily News, dont l'influence grandissante mettait en cause son emprise sur le pays. Après un attentat et une procédure judiciaire injuste, le journal avait été contraint de fermer et, malgré plusieurs décisions de justice favorables depuis cette date, il n'a jamais pu reparaître. La même législation encadre de manière très stricte le métier de journaliste, plaçant la profession entre les mains d'une administration politique étroitement contrôlée par le pouvoir.
Des médias d'Etat partisans
La couverture partisane et déséquilibrée de la vie politique par les médias d'Etat, et notamment la chaîne publique Zimbabwe Broadcasting Corporation (ZBC), est notoire. Elle a été abondamment argumentée, entre autres, par l'association indépendante Media Monitoring Project Zimbabwe (MMPZ).
Celle-ci a noté, par exemple, que dans la semaine du 3 au 9 mars, "l'implacable complicité des médias gouvernementaux dans la création d'un terrain inégal à l'approche des élections du 29 mars a, une fois de plus, été plus qu'évidente" ("The government media's relentless complicity in the creation of a highly uneven electoral playing field ahead of the March 29 elections was overwhelmingly evident again this week"). Le MMPZ a ainsi compté 148 reportages positifs consacrés au ZANU-PF par la ZBC, contre 19 pour l'ensemble des partis d'opposition, ce qui représente une couverture d'une durée d'une heure et neuf minutes pour les partisans de Robert Mugabe contre 17 minutes pour tous les autres. Notant tout de même que les nouvelles règles édictées le 7 mars avaient quelque peu rééquilibré les temps d'antenne en faveur de l'opposition, le MMPZ a également rappelé que l'évocation du candidat Simba Makoni, ancien ministre et dissident du ZANU-PF, était systématiquement accompagnée d'un rappel de sa prétendue "trahison" du parti présidentiel.
Le 14 mars, une équipe de la SADC a rencontré les responsables de la commission électorale et des médias d'Etat, sans que l'on connaisse les conclusions de leur réunion.
Un climat de répression et de peur
D'autre part, le climat général pour la presse indépendante est toujours aussi menaçant. Non contentes d'avoir instauré une législation draconienne, les autorités font également régner la peur de l'arrestation et la suspicion généralisée sur les journalistes zimbabwéens et étrangers. Ainsi, même si la loi sur la presse a été amendée fin 2007 dans un sens prétendument plus libéral, les demandes d'accréditations de la presse étrangère ont été examinées par un comité interministériel pointilleux, chargé de veiller à ce que des "espions" ne se fassent pas "passer pour des journalistes". Des réservations d'hôtels de journalistes étrangers ont également été annulées sur ordre du ministère zimbabwéen des Affaires étrangères, prétextant réserver la priorité aux observateurs venus d'Afrique.
Par ailleurs, la répression et la surveillance des journalistes zimbabwéens ont continué. Ainsi, Brian Hungwe, un célèbre journaliste zimbabwéen travaillant pour la chaîne sud-africaine SABC, a été déchu l'année dernière, par la Commission des médias et de l'information (MIC), de son accréditation obligatoire pour travailler comme journaliste, sans explication. Le 18 mars, il a été contraint d'en appeler à la Cour suprême, après que la Haute Cour avait estimé que sa requête demandant que l'arrêt de la MIC soit cassé, n'était pas "urgente", alors qu'il est privé de ressources et interdit d'exercer son métier depuis plus de six mois.
Le climat est encore plus lourd pour les journalistes de Harare depuis qu'Edward Chikomba, cameraman free-lance et ancien collaborateur de la ZBC, a été retrouvé mort le 31 mars 2007, deux jours après avoir été kidnappé par des inconnus soupçonnés d'être des agents des services de renseignements. Ses confrères estiment qu'il aurait pu être tué pour avoir vendu à des médias étrangers des images de l'opposant Morgan Tsvangirai, au visage déformé, après qu'il avait été passé à tabac pendant sa détention.
Enfin, en septembre 2007, la presse zimbabwéenne avait publié un document des services de renseignements zimbabwéens, établissant une "liste noire" d'au moins quinze journalistes de la presse indépendante devant faire l'objet d'une "stricte surveillance", de "détention" et d'autres "mesures" non précisées, à l'approche des élections de 2008.