Une internaute condamnée à huit mois de prison ferme pour un message envoyé sur Facebook

Reporters sans frontières dénonce la décision prise par le tribunal de première instance de Tunis, le 4 juillet 2009, de condamner la militante des droits de l’homme Khedija Arfaoui, 69 ans, à huit mois de prison ferme pour avoir rediffusé un message sur le site social "Facebook". Elle a été accusée de "trouble à l’ordre public” en vertu de l’article 121 du code pénal, qui prévoit que doit être “puni comme s'il avait participé à la rébellion, quiconque l'a provoquée, soit par des discours tenus dans des lieux ou réunions publics, soit par placards, affiches ou écrits imprimés”. “Cette condamnation est infondée. Aucun texte juridique ne régit Internet et c’est la première fois que la justice tunisienne se saisit d’écrits postés sur Facebook. Khedija Arfaoui n’a fait que relayer un message qui existait déjà et n’est en aucun cas responsable d’avoir créé la rumeur dont on l’accuse. Elle n’est qu’un bouc emissaire pour les autorités. Nous demandons l’abandon immédiat des charges à son encontre”, a déclaré l’organisation internationale de liberté de la presse. En mai 2009, Khedija Arfaoui avait rediffusé un message sur Facebook, faisant état d’enlèvements d’enfants en Tunisie, alors qu’une rumeur grandissante sur le kidnapping d’enfants à des fins de trafics d’organes circulait largement dans la pays. Le 31 mai, Khedija Arfaoui a appris par la presse tunisienne que la première audience de son procès aurait lieu le 6 juin. Elle n’a reçu sa convocation que la veille. La deuxième audience s’est tenue le 27 juin, sans que la défense puisse consulter le dossier de l’internaute inculpée. Khedija Arfaoui et ses avocats ont pris connaissance du verdict par la presse, le 5 juillet. Selon l’une de ses avocates, “les motifs d’accusation de peuvent pas être appliqués car il n’existe pas de texte juridique. S’il n’y a pas de texte de loi, il ne peut y avoir de crime. Cette condamnation n’a aucun sens. Ce procès est organisé pour calmer la rumeur.” L'article 121 du code pénal tunisien prévoit de six mois à cinq ans d'emprisonnement et une amende de 120 à 1200 dinars (72 à 720 euros) pour trouble à l’ordre public. Il interdit la distribution, la vente, l'exposition et la détention en vue de la distribution, de la vente ou de l'affichage, de tracts, bulletins et papillons d'origine étrangère ou non, de nature à nuire à l'ordre public ou aux “bonnes mœurs”. Cet article s’applique à l’espace public. Or, Facebook est considéré comme un espace privé. L’acte d’accusation lui-même porte atteinte au secret de la correspondance, mentionné dans l’article 9 de la constitution (“L'inviolabilité du domicile, le secret de la correspondance et la protection des données personnelles sont garantis, sauf dans les cas exceptionnels prévus par la loi”). Facebook est un réseau social très utilisé par les jeunes de 15 à 35 ans en Tunisie. Le site avait été rendu inaccessible le 24 août 2008 mais la réaction des nombreux internautes avait obligé le président de la République Zine el-Abidine Ben Ali à lever cette la censure le 2 septembre 2008. Les avocats de Khedija Arfaoui ont décidé de faire appel pour obtenir une peine de prison avec sursis. La date de l’audience n’est pas connue. Khedija Arfaoui enseigne l’anglais, la civilisation américaine et les droits de l’homme à l’université de La Manouba (UMA), à côté de Tunis.
Publié le
Updated on 20.01.2016