Un rédacteur en chef et un défenseur des droits de l’homme détenus pour avoir critiqué la justice de leur pays
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Reporters sans frontières condamne fermement l’arrestation et la détention depuis le 18 mars 2013 du rédacteur en chef du magazine politique mensuel The Nation Bheki Makhubu et d’un avocat défenseur des droits de l’homme et chroniqueur pour le journal, Thulani Maseko. Leur détention est liée à la publication d’articles remettant en cause le système de justice du Swaziland, et en particulier le président de la Cour suprême du Swaziland, Michael Ramodibedi. Selon leurs avocats, la date de leur procès est fixée au 25 mars prochain.
"Ces arrestations arbitraires sont des nouveaux exemples du châtiment réservé à ceux qui osent formuler la moindre critique des institutions du pays. Quelle marge de manœuvre reste-t-il aux journalistes qui veulent couvrir et commenter un fait d’actualité au Swaziland, pays où seule la voix du roi Mswati III et de son régime est tolérée ? Aucune", déclare Lucie Morillon, responsable de la recherche et du plaidoyer à Reporters sans frontières.
"Ces sentences prononcée à l’encontre de Thulani Maseko et Bheki Makhubu, par le chef de la justice lui-même, sans aucun respect des normes juridiques en vigueur dans le pays, sont de pures violations de la liberté d’expression. Elles sont animées par une volonté de vengeance personnelle. Nous appelons les autorités du Swaziland à libérer les deux hommes dans les meilleurs délais", ajoute-t-elle.
Le 17 mars 2014, un mandat d’arrêt pour outrage à la Cour délivré par le président de la Cour suprême du Swaziland lui-même, Michael Ramodibedi, a été transmis aux bureaux respectifs de Bheki Makhubu et de Thulani Maseko à Mbabane, capitale du pays. Ce dernier a été arrêté le jour même par la police. Absent lorsque la police s’est rendue à son domicile et à son bureau, Bheki Makhubu, rédacteur en chef du magazine The Nation, s’est rendu au poste de police le mardi 18 mars où il a été arrêté. Accusés d’atteinte à l’autorité de la justice, ils ont été placés ce mardi au centre de détention provisoire de Sidwashini à Mbabane pour sept jours, suite à une procédure judiciaire éclaire et arbitraire qui s’est déroulée à huis clos. Ils ont en effet été empêchés de s’entretenir avec leurs avocats et conduits devant le président de la Cour suprême qui a rendu la décision, alors que la procédure pénale normale aurait voulu qu’ils soient présentés à un juge. Face au chef de la justice du Swaziland, les deux prévenus n’ont pu ni présenter de défense, ni demander leur libération sous caution.
Ces deux hommes ont été arrêtés suite à la publication, dans l’édition de février 2014 du magazine The Nation, de deux articles distincts critiquant l’appareil judiciaire au Swaziland. Les deux articles incriminés évoquaient l’arrestation et la détention arbitraire, le 20 janvier 2014, du chef de l’inspection des véhicules du gouvernement Bhantshana Gwebu. Ce dernier avait simplement fait son devoir en verbalisant un chauffeur du tribunal qui n’était pas en règle. Les deux articles se livraient à une critique du chef de la justice du pays et questionnaient l’indépendance et l’équité de la justice au Swaziland.
Ce n’est pas la première fois que le rédacteur en chef de The Nation se retrouve confronté à la justice du Swaziland. Bheki Makhubu avait été inculpé le 17 avril 2013 "d’outrage à magistrat" et de "calomnie" à l’encontre de ce même Michael Ramodibedi, président de la Cour suprême, suite à deux articles questionnant l’indépendance de la justice, publiés dans le journal. Reporters sans frontières avait condamné la peine de deux ans de prison qui pesait sur le journaliste s’il ne s’acquittait pas d’une amende de 200 000 emalangeni (16 688 euros) dans les trois prochains jours. Il avait évité la prison et de payer l'amende, ses avocats ayant réussi à faire appel. Cependant, son recours n’a toujours pas été examiné.
En 2009, Thulani Maseko, militant au sein de Lawyers for Human Rights Swaziland, avait été poursuivi au titre de la Loi relative à la sédition et aux activités subversives, mais n’a toujours pas été jugé.
Le Swaziland se situe à la 156e place sur 180 pays dans le classement mondial 2014 de la liberté de la presse, établi par Reporters sans frontières.
Photo : Entrée de la Cour de justice du Swaziland
Publié le
Updated on
20.01.2016