Un quotidien soumis préventivement à une amende de 168 euros par exemplaire imprimé, à la demande d'un élu
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Reporters sans frontières regrette la décision rendue, le 29 mai 2006, par la 6e chambre civile du tribunal de Campo Grande (capitale de l'Etat du Mato Grosso du Sud) contre le quotidien O Correio do Estado. La mesure judiciaire, qui relève de la censure préventive, oblige en effet le journal à s'acquitter de 168 euros par exemplaire imprimé au cas où son édition citerait le nom d'André Puccinelli, ancien maire de Campo Grande et candidat au poste de gouverneur, poursuivi par la justice fédérale dans une affaire de blanchiment d'argent.
“André Puccinelli avait toute latitude pour réclamer un droit de réponse ou des dommages et intérêts proportionnés s'il s'estimait diffamé. Au lieu de quoi, il a obtenu de la justice l'interdiction pour un journal de le citer, alors qu'il est un personnage public et brigue le gouvernorat de son Etat. Cette décision est absurde. Elle est également dangereuse pour O Correio do Estado qui, en plus d'être victime d'une censure préalable, risque à tout moment la faillite. Enfin, elle est anticonstitutionnelle. Nous espérons donc que le Tribunal suprême fédéral cassera cette décision”, a déclaré Reporters sans frontières.
Dans son édition du 25 avril 2006, le quotidien national O Estado de São Paulo avait révélé l'existence de mouvements de fonds irréguliers à la Banco Rural, sur les comptes de plusieurs personnalités, dont l'ancien président Fernando Collor de Mello, le candidat à l'élection présidentielle du 1er octobre prochain Anthony Garotinho et André Puccinelli, issu comme Anthony Garotinho du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, droite). L'article précisait qu'André Puccinelli avait perçu cet argent en novembre 2004, un mois avant d'abandonner sa charge de maire de Campo Grande. Il fait depuis l'objet d'une enquête fédérale.
Le lendemain, O Correio do Estado avait repris les informations publiées dans O Estado de São Paulo, après avoir tenté de recueillir les réactions des intéressés. Les avocats d'André Puccinelli, dont son propre fils, avaient tenté en vain de faire saisir le journal et d'obtenir une perquisition au sein de la rédaction.
L'ancien maire a alors lancé une procédure devant la 6e chambre civile du tribunal de Campo Grande, en réclamant que soit infligée au journal une amende quotidienne de 33 600 euros chaque fois que son nom serait cité dans le quotidien. Le juge José Ale Nahmad Netto a fixé l'amende à 168 euros par exemplaire imprimé, ce qui, au vu du tirage du journal, équivaudrait à 2 600 000 euros par jour. André Puccinelli n'a, en revanche, pas obtenu que soient saisies les éditions précédentes.
Le juge dit avoir fondé sa décision sur les exigences “d'objectivité de l'information“, “de certification des sources” (dont le secret est pourtant garanti aux journalistes par la Constitution fédérale) et “d'impartialité”.
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Updated on
20.01.2016