Un quatrième journaliste tombé sous les balles, pas de réaction ferme des autorités face à l’hécatombe

Evaristo Pacheco Solís, 33 ans, est le quatrième – peut-être le cinquième – professionnel des médias assassiné depuis le début de l’année 2010. Le corps sans vie du journaliste de l’hebdomadaire Visión Informativa a été découvert, le 12 mars, sur une route menant à Chilpancingo, la capitale de l’État du Guerrero. Plusieurs impacts de balles de calibre 25 ont été retrouvés sur les lieux du crime. Un mois et demi auparavant, Jorge Ochoa Martínez, directeur du quotidien El Sol de la Costa, avait été assassiné dans des conditions similaires, également dans le Guerrero. Le parquet spécial dédié à la lutte contre les attaques envers les journalistes (Fiscalía Especial para la Atención de Delitos contra Periodistas - FEADP), n’a obtenu aucun résultat notable depuis sa création en février 2006. L’offensive fédérale lancée le mois de décembre suivant par le président Felipe Calderón a rendu la situation encore plus intenable. Le nouveau procureur titulaire de la FEADP, Gustavo Salas Chávez, n’a jamais répondu à nos questions concernant le fonctionnement et les reformes à engager au sein de l’administration dont il a la charge. ___________ 12.03.2010 - Deux suspects arrêtés pour l’assassinat d’un journaliste, le mobile avancé paraît peu crédible Les curieuses explications fournies par la justice mexicaine sur les récents décès de deux journalistes sont loin de relever le défi de la lutte contre l’impunité, et avec elle, celui de la protection d’une presse très gravement menacée. Le ministère de la Justice de l’État du Guerrero (PGJE) a présenté au public, le 11 mars 2010, les deux commanditaires présumés de l’assassinat de Jorge Ochoa Martínez, directeur et éditeur du quotidien El Sol de la Costa et fondateur de l’hebdomadaire El Oportuno, tué par balles à Ayutla de los Libres, le 29 janvier 2010. Honorio Herrera Villanueva et David Bravo Jerónimo auraient planifié l’homicide du journaliste parce que celui-ci aurait pris une rue en sens interdit et aurait refusé de procéder à une marche arrière pour laisser passer leur véhicule. Vexés, les deux hommes auraient alors payé un chauffeur de taxi pour tuer le journaliste, aux dires des autorités. “Il s’agit d’une histoire fortuite et occasionnelle”, selon les mots de la PGJE. La famille de Jorge Ochoa n’exclut pas une raison professionnelle, apparemment négligée par les enquêteurs. Décédé le 2 mars 2010 à Reynosa dans des circonstances encore à éclaircir, Jorge Rábago Valdez, employé des groupes radiophoniques Radio-Rey et Reporteros en la Red, aurait été victime d’un “évanouissement” et d’un “coma diabétique” selon la PGJE de l’État de Tamaulipas. Les collègues du journaliste parlent, eux, de “séquestration et d’actes de torture” précédant son décès. _______ 01.02.2010 - Un journaliste de plus tombé sous les balles et les menaces contre la presse se multiplient Jorge Ochoa Martínez, 55 ans, est le troisième journaliste assassiné au Mexique en un mois. Le directeur et éditeur du quotidien El Sol de la Costa et fondateur de l’hebdomadaire El Oportuno, a été tué par balles à Ayutla de los Libres, dans l'État de Guerrero, le 29 janvier 2010. La famille du journaliste a confié à Reporters sans frontières avoir reçu plusieurs appels la nuit du crime, dont celui de la police préventive l’informant que Jorge Ochoa Martínez avait été abattu. Un de ses fils a témoigné : “Je ne pouvais pas le croire, j’ai pensé qu’il s’agissait d’une blague. J’ai appelé mon père plusieurs fois, mais il ne m’a pas répondu. Alors, je suis allé à Ayutla et je l’ai retrouvé.” Le rapport de la police indique que le journaliste a été atteint de plusieurs balles de calibre 38. Les autorités n’avancent aucun mobile, mais la famille de Jorge Ochoa nous a déclaré qu’elle n’excluait pas une raison professionnelle. C’est aussi pourquoi nous demandons aux autorités de suivre cette piste en priorité. L’hécatombe se poursuit dans le pays devenu le plus dangereux du continent pour la sécurité des médias. Les récentes menaces contre des rédactions ne mobilisent pas suffisamment les autorités, parfois impliquées elles-mêmes. Ainsi, le 20 janvier, Juan Aparicio, directeur de la revue El Observador, dans le Chiapas, a subi les menaces d’un fonctionnaire de la police frontalière de l’État, Pedro León Toro Peña, alors qu’il couvrait la perquisition d’une maison qui aurait servi pour un enlèvement. Le 21 janvier, Armando Suárez, journaliste du magazine Puerto Viejo, édité à La Paz, Basse-Californie du Sud, a été menacé de mort par le maire de Loreto, Yuan Yee Cunnigham, et frappé par des représentants des autorités locales. Le 27 janvier, une voiture a été incendiée devant les locaux d'une station de radio à Los Mochis, Sinaloa, avec cette mention : “ça va arriver aux journalistes. On va les brûler. Cordialement, La Mochomera.” Avec 61 journalistes assassinés depuis 2000 et neuf autres diparus depuis 2003, le Mexique se situe à la 137e place sur 175 du classement mondial établi par Reporters sans frontières pour l’année 2009.
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Updated on 20.01.2016