Un pionnier de la liberté de publier en prison jusqu’à nouvel ordre
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“La justice turque est donc bien décidée à faire payer Ragip Zarakolu (voir ci-dessous) pour son activisme en faveur de la liberté d’expression. Journaliste de renommée internationale et figure respectée de la lutte pour les droits de l’homme, il est à son tour victime des travers récurrents de l’appareil judiciaire: le détournement de l’argument ‘antiterroriste’ pour réprimer les voix critiques, et le recours abusif à la détention provisoire. Le placement en détention d’un personnage de cette envergure, alors même que sa santé est fragile, est un très mauvais signal à l’égard de la presse. Nous exigeons sa remise en liberté immédiate”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 1er novembre 2011, le juge de la 14ème chambre de la Cour d’assises d’Istanbul a ordonné l’incarcération du journaliste et éditeur Ragip Zarakolu au terme de sa garde à vue. Le directeur des Editions Bilge, chroniqueur pour le quotidien Günlük Evrensel et président du comité pour la liberté de publier de l’Union des éditeurs turcs (TYB) restera donc en détention jusqu’à ce que le procureur ait rédigé l’acte d’accusation à son encontre. Ce qui, en Turquie, peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. Comme dans le cas de nombreux autres journalistes incarcérés, rien ne permet pourtant de supposer que Ragip Zarakolu pourrait “détruire des preuves, faire pression sur des témoins ou prendre la fuite” s’il était remis en liberté, ce qui justifie la détention provisoire en droit turc. Le 1er novembre 2011, il a été transferé à la prison de Metris à Istanbul.
90 personnes ont été interpellées récemment dans le cadre d’un vaste coup de filet contre des “collaborateurs” présumés du KCK (Union des communautés du Kurdistan). Conformément à la demande du procureur Adnan Cimen, 47 d’entre elles ont été placées en détention à l’issue de leur garde à vue, dont Songül Karatagna, collaboratrice du quotidien pro-kurde Özgür Gündem dont Ragip Zarakolu a été directeur de la publication.
Des centaines de personnes, dont la veuve du journaliste assassiné Hrant Dink et des représentants de plusieurs partis politiques dont le BDP (pro-kurde) et le CHP (kémaliste), ont protesté lundi 31 octobre devant le palais de justice de Besiktas (Istanbul), en brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: “ça suffit!” Même le célèbre journaliste conservateur Fehmi Koru s’est montré critique quant à la tournure que prenait l’enquête sur le KCK, sur la chaîne Kanal 7, le soir du 31 octobre. De nombreuses organisations professionnelles turques et internationales ont également fait part de leur soutien à Ragip Zarakolu, récipiendaire du Prix 2008 de la liberté de publier de l’IPA (Association internationale des éditeurs) et du Prix 2007 de l’Association turque des journalistes (TGC).
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31.10.2011 - Le journaliste et éditeur Ragip Zarakolu arrêté
Reporters sans frontières condamne avec vigueur l’arrestation de Ragip Zarakolu, chroniqueur pour le quotidien de gauche Günlük Evrensel et directeur des Editions Belge, au cours d’une rafle contre des militants pro-kurdes dans la nuit de vendredi 28 octobre 2011 à Istanbul.
Une nouvelle fois, l’utilisation abusive de la loi antiterroriste sert à faire taire les activistes sur la question difficile des minorités. L’organisation demande sa libération immédiate.
La vague d’arrestation lancée dans le cadre de l’affaire du KCK (Union des communautés du Kurdistan, branche du PKK, Parti des travailleurs kurdes, interdit en Turquie) vendredi soir à Istanbul a touché une quarantaine de personnes.
Aucun motif officiel d’arrestation n’a été pour l’instant établi. Selon son avocat Özcan Kiliç, il a été interrogé sur plusieurs articles publiés dans la revue pro-kurde Özgur Gündem, sur des voyages effectués à l’étranger entre 2001 et 2011 et sur sa participation à l’inauguration de l’Académie politique d’Istanbul, perquisitionnée le vendredi 28 octobre). Il a été entendu par le procureur d’Istanbul le 31 octobre.
Accusé en août 2010 de propagande terroriste pour avoir publié l’ouvrage de Mehmet Güler «Le dossier KCK : L’Etat global et les Kurdes sans Etat », Ragip Zarakolu avait fait appel de sa condamnation. Son dossier est depuis examiné en cour de cassation.
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2 août 2010 - Un nouveau procès contre les voix de la minorité kurde
Reporters sans frontières dénonce l’ouverture d’un nouveau procès à l‘encontre de Mehmet Güler, auteur du livre « Le dossier KCK : L’Etat global et les Kurdes sans Etat » et de son éditeur, Ragip Zarakolu.
Ils seront jugés le 30 septembre prochain par la 10ème chambre de la cour d’assises d’Istanbul pour « publication de déclarations du PKK» (Parti des travailleurs du Kurdistan) et « propagande du PKK ». S’ils sont reconnus coupables, ils encourent un minimum de huit mois de prison. Le PKK est en lutte armée contre la Turquie depuis 1984 et placé sur la liste des organisations terroristes par le gouvernement.
L’ouvrage d’investigation journalistique « Le dossier KCK : L’Etat global et les Kurdes sans Etat », a été publié en mai dernier par les Editions Belges, sous la direction de Ragip Zarakolu. Le KCK désigne le système politique du PKK, qui a pour projet d’établir un régime de « confédéralisme démocratique » en Turquie. Le livre a été saisi par la cour d’assises d’Istanbul dès sa parution, à l’occasion de la Foire de livre, à Diyarbakir (sud-est de la Turquie).
Le procureur Hakan Karaali a réclamé la condamnation du journaliste et de l’éditeur en vertu des articles 6 et 7 de la Loi antiterroriste (LAT). C’est en vertu de ce texte que de nombreux journalistes des médias kurdes sont poursuivis et condamnés à de lourdes peines.
L’éditeur Ragip Zarakolu a affirmé que l’ouvrage avait été publié afin d’assurer « le droit à l’information des lecteurs » et de pouvoir présenter « une autre version des faits ». Mehmet Güler affirme avoir « évité d’employer un langage qui soit au profit ou au détriment de quiconque ». « Les partis politiques des Kurdes sont interdits. Des anciens ministres et maires, des intellectuels, des militants des droits de l’homme et des avocats sont incarcérés. Les citoyens ont le droit de savoir ce qui se passe. J’ai rédigé ce livre en toute objectivité », s’est défendu l’auteur.
Ragip Zarakolu et Mehmet Güler avaient récemment été jugés en raison du livre « Des décisions à prendre plus difficiles que la mort ». Le 10 juin dernier, la cour d’assises d’Istanbul avait condamné Mehmet Güler à 1 an et 3 mois de prison pour « propagande du PKK » et avait relaxé Ragip Zarakolu. Les deux hommes craignent à présent le verdict de ce nouveau procès.
Reporters sans frontières s’inquiète de la situation des médias et de la liberté de la presse en Turquie. Les pressions judiciaires et physiques sont de plus en plus fréquentes sur les professionnels des médias, et en particulier sur les médias kurdes.
L’inquiétude de Reporters sans frontières porte également sur les nouvelles résolutions, concernant la diffusion des informations à la télévision, adoptées par le gouvernement turc le 15 juillet.
Le ministre de l’Intérieur, Besir Atalay, a annoncé que le haut conseil de l’audiovisuel avait déterminé, avec l’accord des responsables des chaînes nationales, que « certains principes devaient être suivis en situation de risques terroristes et autres circonstances extraordinaires ». Selon ces « principes », les chaînes de télévision s’engagent à limiter la durée et la fréquence des flashs d’information.
Une autre résolution, qui ressemble surtout à une mise en garde à l’adresse des médias, concerne la responsabilité des chaînes dans la diffusion « d’émissions, interviews et déclarations, qui semblent donner raison aux actes terroristes, susceptibles d’être interprétées comme de la propagande des personnes à l’origine d’attentats ou encourager de futures attaques» .
Le ministre de l’Intérieur s’est félicité de ces « positions très décisives concernant le terrorisme ». L’Association contemporaine des journalistes a, elle, critiqué l’adoption de ces résolutions, « susceptibles d’entraîner des abus ».
Reporters sans frontières craint que ces formulations imprécises, qui laissent libre cours à de multiples interprétations, ne poussent les chaînes d’information à l’autocensure. Ces résolutions, qui viennent compléter la phase judiciaire de la LAT, risquent effectivement de fournir aux autorités de nouveaux prétextes pour procéder à des arrestations et engager des procès arbitraires.
Publié le
Updated on
20.01.2016