Face à la montée des contestations, la junte a renforcé la censure et multiplié les interpellations de journalistes. Reporters sans frontières et la Burma Media Association appellent les pays de l'ASEAN à faire pression sur Rangoon afin que cessent ces pratiques.
Reporters sans frontières et la Burma Media Association dénoncent le recours à la violence, à la censure et à la propagande contre les journalistes birmans qui tentent de couvrir les manifestations qui durent depuis maintenant un mois. Cette stratégie détestable qui vise à empêcher les journalistes de travailler s'accompagne d'une intensification de la propagande dans les médias publics et privés sous contrôle de l'Etat.
Les deux organisations ont recensé au moins 24 violations sérieuses de la liberté d'informer depuis le 19 août 2007. Les auteurs de ces incidents sont des policiers, des militaires, des hommes de main de l'USDA (milice pro-junte) ou les responsables de la censure.
Reporters sans frontières et la Burma Media Association demandent aux pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) de faire pression sur le gouvernement birman pour que cessent ces actes graves.
Privés d'informations indépendantes, de nombreux Birmans écoutent les services en birman des radios internationales (RFA, VOA, BBC, DVB) et regardent clandestinement les émissions hebdomadaires de la chaîne DVB TV.
De son côté, le pouvoir a intensifié la propagande dans les médias qu'il contrôle. Les manifestants, présentés comme des agitateurs de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) au service de puissances étrangères, sont accusés de fomenter des violences. Les médias favorables à la junte ont accusé la presse étrangère de créer du désordre.
Le Bureau de la censure a systématiquement rejeté les articles qui abordaient de manière indépendante les manifestations contre l'augmentation du coût de la vie. Les responsables des médias privés se sont vu ordonner de publier des articles favorables au gouvernement et hostiles aux "ennemis" de l'intérieur et de l'extérieur.
Enfin, aucun journaliste étranger n'a obtenu de visa pour la Birmanie depuis le début des manifestations. Les rares correspondants étrangers basés à Rangoon travaillent pour des médias publics de pays proches de la junte. Ainsi, l'agence de presse chinoise Xinhua n'a publié en un mois que trois dépêches sur les manifestations. Elles reprennent toutes la version de la junte.
Chronologie des incidents :
- 18 septembre 2007 : des policiers ont interpellé et interrogé trois journalistes birmans alors qu'ils couvraient une manifestation de moines à Rangoon. Les correspondants des médias japonais Asahi TV et Kyoto News Agency et un reporter du magazine birman The Voice Journal ont vu leur matériel confisqué par la police. Seul le journaliste de Asahi TV a récupéré sa caméra mais sans la carte mémoire. Selon l'un des journalistes interpellés, Hla Htwe Aung, cité par l'agence Mizzima, il est très difficile de pouvoir récupérer son matériel de travail car les policiers, les militaires et les membres de l'USDA (milice projunte) sont tous vêtus en civil.
- 14 septembre : les médias officiels font tous leur Une sur des généraux de la junte apportant des offrandes à plusieurs monastères du pays.
- 12 septembre : la dernière ligne téléphonique du siège de la LND à Rangoon est coupée. Les dirigeants du parti d'Aung San Suu Kyi y recevaient régulièrement des appels de la presse étrangère.
- 11 septembre : les téléphones portables de la correspondante de l'Agence France-Presse (AFP), Hla Hla Htay, et de la journaliste freelance May Thingyan Hein, sont coupés. La direction de l'AFP demande quelques jours plus tard aux autorités de rétablir sa ligne.
- 10 septembre : les téléphones d'une cinquantaine d'opposants sont coupés pour les empêcher de communiquer avec les journalistes birmans et étrangers.
- 9 septembre : des officiers du Directorate of Military Engineers s'installent dans l'Office de télécommunication gouvernemental basée dans la rue Bo Soon Pat à Rangoon. Ils placent sur écoutes une cinquantaine de personnalités, dont les opposants Su Su Nway, Phyu Phyu Thinn, Htay Kywe, Hla Myo Naung et U Myint Thein.
- 4 septembre : le magazine privé Love Journal, dirigé par Myat Khaing, connu pour entretenir de bons rapports avec le ministre de l'Information, a inclus dans son édition un long article intitulé "Les gens qui font des montagnes d'une petite colline en utilisant la montée des prix de l'essence". Il attaque les journalistes qui couvrent les manifestations. Le magazine écrit notamment que "les reporters des agences de presse étrangères conspirent avec les manifestants pour créer de l'instabilité dans le pays".
- 3 septembre : le site de partage de vidéos YouTube est bloqué. Le principal fournisseur d'accès à Internet, contrôlé par le ministère des Postes et des Télécommunications, n'a donné aucune explication sur cette interdiction. L'autre fournisseur d'accès birman, Bagan net, avait déjà rendu inaccessible le site. "Les rares images des récentes manifestations provenaient de "citoyens-reporters" qui utilisaient notamment YouTube pour les diffuser.
- 9 septembre : les journaux privés sont contraints de publier une annonce officielle accusant les militants de la Génération 88, notamment Min Ko Naing, d'avoir incité à la révolte.
- 28 août : le photojournaliste proche de la LND, Win Saing, a été arrêté alors qu'il tente de prendre des clichés de militants de la LND donnant des offrandes à des moines à Rangoon. Il serait toujours emprisonné au centre de détention de Kyaik-ka-san.
- 27 août : le Département de l'enregistrement et de surveillance de la presse (censure) ordonne aux directeurs de publication de limiter la publication d'informations sur les prix des produits de consommation.
- 27 août : le ministre de l'Information, le général Kyaw Hsan, recommande aux responsables des médias officiels d'être extrêmement vigilants sur la nature des informations qu'ils diffusent.
- 23 août : des membres de l'USDA et des policiers ont empêché les journalistes de s'approcher d'un groupe de manifestants dans les rues de Rangoon. Des hommes de main employés par l'USDA ont bousculé et insulté les journalistes. Le reporter de Reuters s'est vu interdire de prendre des clichés des arrestations tandis que la police a confisqué des appareils photo.
- 22 août : un journaliste non identifié a été malmené par des hommes en civil alors qu'il prenait des clichés d'usagers des transports publics faisant la queue dans la capitale.
- 20 août : le commandement militaire de Rangoon a interdit aux journalistes de prendre des clichés des manifestations et ordonné la destruction des appareils et caméras confisqués aux contrevenants.
- 19 août : dès les premières manifestations, des correspondants birmans des médias étrangers ont témoigné de fortes intimidations de la part de policiers en civil et de membres de l'USDA. Armés de pelles et de barres de fer et circulant dans des camions de l'armée, ces hommes ont insulté et menacé les journalistes.