Un mois après l’assassinat de Shireen Abu Akleh, zéro enquête internationale indépendante, un fiasco pour la justice envers les journalistes

Il y a tout juste un mois, la journaliste d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh était assassinée par balle à Jénine, en Cisjordanie. Si aucune véritable enquête n’a été conduite, plusieurs expertises tendent à pointer la responsabilité israélienne dans ce crime. Reporters sans frontières (RSF) dénonce un fiasco pour la justice envers les journalistes et appelle à mettre un terme à la règle de l’impunité.

Le 11 mai dernier, le corps sans vie de la reporter d’Al Jazeera gisait après qu’elle avait reçu une balle dans la tête. Alors que les premiers témoignages des journalistes sur place ont indiqué que la provenance du tir était israélienne, l’État hébreu a nié toute responsabilité en publiant une vidéo indiquant la présence de “terroristes palestiniens, tirant à l’aveugle”, avant de faire état d’un “intense échange de tirs”. Plus tard, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a reconnu : "il se peut que ce soit des Palestiniens qui aient tiré. Tragiquement, cela peut être de notre côté". Le 13 mai, les résultats de l’“enquête initiale menée par l’armée israélienne ont conclu qu’il n’était “pas possible de déterminer avec certitude la source du tir qui a fatalement touché Shireen Abu Akleh”.

Des affirmations démenties par le rapport du 26 mai du procureur en chef palestinien, selon lequel “le type de projectile, l’arme, la distance, le fait qu’il n’y avait aucun obstacle à la vision et que Shireen Abu Akleh portait une veste de presse (…) nous porte à conclure qu’elle a été la cible d’un meurtre. La seule source de tirs était les forces d’occupation israéliennes”. Pourtant, les autorités israéliennes n’ont pas donné suite à leur enquête, après le refus de l’Autorité palestinienne de participer à une enquête conjointe. 

Entre-temps, plusieurs organisations ont publié les résultats de leurs propres investigations. Dans l’après-midi du 11 mai, l’ONG israélienne B’Tselem, a publié une vidéo démontrant que “les tirs palestiniens relayés par l’armée israélienne ne peuvent pas être ceux qui ont tué la journaliste Shireen Abu Akleh”. Dans le même sillage, Bellingcat, consortium d’ONG, a publié une analyse concluant à une probable responsabilité des forces israéliennes : “d’après ce qu’on a pu établir, les forces israéliennes étaient les plus proches et avaient la visée la plus dégagée sur Abu Akleh”, a rapporté Giancarlo Fiorella, chercheur qui a dirigé cette enquête. Enfin, CNN a fait appel à des témoins, à un expert médico-légal et à un expert en armes explosives qui ont permis de conclure qu’il n’y avait pas eu d’échange de tirs ni de Palestiniens armés près de Shireen Abu Akleh avant sa mort. 

“Après la mort de la journaliste palestinienne, RSF a réclamé une enquête internationale indépendante, tandis que les dirigeants de nombreux pays demandaient une enquête transparente, observe Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Un mois plus tard, où en est-on ? Aucune enquête diligentée par les Nations unies. Une investigation israélienne bouclée à peine avait-elle été ouverte. La manifestation de la vérité et la poursuite des coupables n’était à l’évidence pas l’objectif. Aucune procédure ouverte aux États-Unis, alors que Shireen Abu Akleh avait la nationalité américaine. Des éléments transmis par le procureur palestinien à la Cour pénale internationale, dont on imagine bien le temps qu’ils resteront dans des cartons. Bref, un nouveau fiasco pour la justice envers les journalistes. Tout doit être fait pour ne pas laisser passer cet acte aussi inacceptable qu’insupportable ni se résigner à enterrer l’enquête. Les États qui ont appelé à une enquête doivent faire pression et ne pas se contenter de déclarations sans suite, qui sont proprement humiliantes."

Dernièrement, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a promis de demander des comptes sur l'assassinat de la journaliste, également détentrice de la nationalité américaine : “Nous cherchons une enquête indépendante, crédible. Quand cette enquête sera là, nous suivrons les faits, où qu'ils mènent. C'est aussi simple que cela”.

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