Un juge fédéral lève l'assignation à résidence de Jim Taricani

Le 9 avril 2005 prendra fin une période de six mois d'assignation à résidence pour Jim Taricani, reporter à WJAR-TV, une filiale de NBC. La peine a été levée le 6 avril, avec deux mois d'avance sur la date prévue. Le journaliste avait été condamné, le 9 décembre 2004, par la justice fédérale pour « outrage à la Cour », parce qu'il refusait de révéler ses sources d'information. Le 1er février 2001, une vidéo transmise à Jim Taricani et diffusée sur WJAR-TV avait montré un haut fonctionnaire de la municipalité de Providence recevant un pot-de-vin d'un informateur du FBI. Plusieurs élus locaux avaient été poursuivis et condamnés pour corruption après cette diffusion. Joseph A. Bevilacqua Jr, l'avocat de l'un des prévenus, avait de lui-même informé la justice qu'il avait transmis la vidéo à Jim Taricani. Cette révélation avait précédé la condamnation du journaliste pour outrage à la Cour. Depuis, Jim Taricani demeurait confiné à son domicile, avec interdiction de travailler, de donner des interviews et d'utiliser Internet. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 091204 Un journaliste assigné à résidence pendant six mois pour avoir protégé sa source devant la justice Reporters sans frontières proteste contre la condamnation de Jim Taricani à six mois d'assignation à résidence pour « outrage a la cour ». Le journaliste avait refusé de révéler l'identité de sa source d'information à la justice. Un juge fédéral a ordonné à Jim Taricani de commencer immediatement à purger sa peine. « Cette décision compromet le droit des Américains à être informés. Bien que Jim Taricani n'ait pas à purger sa peine en prison mais à son domicile, il est puni pour avoir simplement fait son métier de journaliste, pour avoir voulu nous informer. Nous sommes d'autant plus préoccupés que près d'une dizaine de journalistes sont aujourd'hui poursuivis pour avoir protégé leurs contacts, s'est inquiétée Reporters sans frontières. C'est le rôle de contre-pouvoir de la presse qui est ici en cause. La justice américaine doit comprendre que, sans secret des sources garanti aux journalistes devant les tribunaux, aucune personne disposant d'informations sensibles n'osera plus les leur remettre. Les journalistes ne sont ni des informateurs, ni des auxiliaires de justice. Le secret des sources est un principe intangible. » Reporters sans frontières a appelé les parlementaires américains à examiner « dans les meilleurs délais » le projet de loi présenté, le 9 novembre dernier, par le sénateur Christopher J. Dodd, interdisant aux cours fédérales ainsi qu'aux pouvoirs législatif et exécutif de contraindre un journaliste à révéler ses sources. Condamné bien que sa source se soit identifiée Le 9 décembre 2004, dans l'Etat de Rhode Island, le juge fédéral Ernesto C. Torres a condamné Jim Taricani, de la chaîne locale WJAR-TV 10 (affiliée à NBC), à six mois d'assignation à résidence. Le journaliste avait été reconnu coupable du crime d'outrage à la cour le 18 novembre dernier, le verdict était depuis en délibéré. Jim Taricani risquait une peine maximale de six mois d'emprisonnement en raison de son état de santé. Agé de 55 ans, Jim Taricani a déjà été victime d'une crise cardiaque et a subi une greffe du cœur en 1996. Le juge a ordonné à Jim Taricani de commencer immédiatement à purger sa peine. Il a fait savoir que l'assignation à résidence serait soumise à de strictes conditions, se rapprochant le plus possible d'une véritable incarcération. La justice fédérale américaine reproche au journaliste d'avoir refusé de révéler à une chambre spéciale l'identité de la personne lui ayant fourni une vidéo réalisée dans le cadre d'une enquête secrète du FBI. Cette dernière portait sur la corruption de membres du conseil municipal de la ville de Providence (Rhode Island). Jim Taricani a été condamné bien que sa source, Joseph A. Bevilacqua Jr., l'avocat de l'un des prévenus pour corruption, avait d'elle-même révélée son identité au procureur en charge du dossier le 24 novembre 2004. Diffusée le 1er février 2001, la vidéo montrait un ancien haut fonctionnaire de la municipalité de Providence acceptant un pot-de-vin d'un informateur du FBI. Le maire de Providence, Vincent "Buddy" Cianci Jr. avait par la suite été condamné à cinq ans de prison pour corruption avec d'autres membres de l'équipe municipale. Jim Taricani avait été condamné, dans un premier temps, le 16 mars 2004, à payer une amende de 1 000 dollars par jour, aussi longtemps qu'il persisterait dans son refus de révéler ses sources. La sanction avait été confirmée en appel le 12 août. Le 4 novembre, jugeant cette sanction inefficace, le juge Torres y mettait un terme et donnait 14 jours au journaliste pour révéler sa source sous la menace de requalifier l'outrage de « délit » en « crime ». Au pénal, le journaliste risquerait dès lors une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à six mois. Jim Taricani ayant persisté dans son refus, il a été reconnu coupable, le 18 novembre, du crime d'outrage à la Cour. Les principales affaires en cours Le 8 décembre 2004, la cour d'appel fédérale de Washington D.C. a entendu l'avocat de Matthew Cooper, du magazine Time, et Judith Miller, du quotidien New York Times, également poursuivis pour « outrage à la cour ». Les deux journalistes refusent de révéler leurs sources à une chambre spéciale, chargée d'enquêter sur les fuites ayant abouti à la publication dans la presse de l'identité d'un agent de la CIA, Valerie Plame. Lors de l'audience, invoquant la jurisprudence et le 1er amendement à la Constitution, leur avocat a demandé, que soit reconnu aux journalistes le privilège absolu (« absolute privilege ») de ne pas révéler leurs sources. En revanche, s'appuyant sur une décision de la Cour suprême de 1972 (Branzburg vs Hayes), l'autre partie a demandé que les journalistes ne bénéficient que d'un privilège qualifié (« qualified privilege »), ne les exonérant pas de révéler leurs sources lorsque leur témoignage peut s'avérer essentiel dans des affaires pénales. Au terme de l'audience, la cour a mis sa décision en délibéré. Les deux journalistes risquent jusqu'à 18 mois d'incarcération. Dans cette affaire, la Maison Blanche est soupçonnée d'avoir livré le nom de Mme Plame pour punir son mari, l'ancien ambassadeur Joseph Wilson. Ce dernier avait publiquement contredit des informations données par le président Bush pour justifier la guerre en Irak. Par ailleurs, le 18 août dernier, un juge fédéral de Washington a condamné cinq journalistes qui avaient couvert l'affaire Wen Ho Lee - un scientifique accusé d'espionnage avant d'être blanchi par la justice - à payer une amende de 500 dollars par jour, aussi longtemps qu'ils refuseraient de révéler leurs sources. Le juge fédéral considérait que ce refus constituait un "outrage à magistrat". Cette décision intervient dans le cadre de la plainte de Wen Ho Lee contre les ministères ("departments") de la Justice et de l'Energie qu'il accuse d'avoir fourni à la presse des informations le concernant et le désignant comme suspect d'espionnage. En juillet 2001, la journaliste Vanessa Leggett avait été emprisonnée pendant près de six mois pour "outrage à la cour". Elle avait refusé de révéler à une cour du Texas le contenu d'une interview qu'elle avait réalisée du principal suspect d'un crime. Un projet de loi en attente Le 9 novembre 2004, le sénateur démocrate du Connecticut, Christopher J. Dodd, a déposé un projet de loi sur la protection des sources. Le texte interdit aux cours fédérales ainsi qu'aux pouvoirs législatif et exécutif de contraindre un journaliste à révéler ses sources, que celui-ci ait promis ou non la confidentialité à son informateur. Cette interdiction s'étend aux notes, négatifs et documents du professionnel de la presse. Le projet de loi prévoit que le journaliste ne sera contraint de révéler sa source que dans le cas où cette information est déterminante dans une affaire légale, qu'elle ne peut être obtenue nulle part ailleurs et qu'elle concerne une affaire d'intérêt public absolument capitale. Le sénateur a présenté son projet de loi au terme de la session parlementaire mais s'est engagé à le représenter en janvier 2005, au début de la session suivante.
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Updated on 20.01.2016