Bill Dunphy, du quotidien local Hamilton Spectator, risque une forte amende et une peine de six mois de prison s'il ne livre pas les notes d'une interview à la police. Reporters sans frontières dénonce une nouvelle disposition du code pénal canadien qui transforme les journalistes en auxiliaires de justice. Bill Dunphy sera fixé sur son sort le 6 février.
Reporters sans frontières s'inquiète fortement du sort judiciaire réservé à Bill Dunphy, du quotidien Hamilton Spectator (basé à Hamilton, dans la banlieue de Toronto), sommé de livrer à la police les notes d'interviews, sous peine de prison.
« La nouvelle disposition du code pénal qui risque d'envoyer Bill Dunphy en prison oblige les journalistes à se comporter en indicateurs de police ou en auxiliaires de justice et tel n'est pas leur rôle. La sujétion, même limitée au contexte d'une affaire criminelle, des médias aux pouvoirs publics ne saurait tenir lieu de principe. D'autre part, rien n'indique que les informations recueillies par Bill Dunphy soient utiles aux enquêteurs. Nous espérons que le juge fera preuve de clémence à son égard et que le législateur reviendra sur cette disposition problématique », a déclaré Reporters sans frontières.
Journaliste au Hamilton Spectator, Bill Dunphy avait interviewé en 2001 et 2002 un trafiquant de drogue présumé, Paul Gravelle. Le frère cadet de celui-ci, André Gravelle, est accusé d'être l'un des meurtriers de l'avocate Lynn Gilbank et de son mari, Fred, tués en 1998. L'avocate assurait alors la défense d'un autre dealer.
« Les policiers chargés d'enquêter sur l'assassinat de Lynn Gilbank sont persuadés que les interviews conduites par Bill Dunphy peut leur apporter des éléments nouveaux, a expliqué à Reporters sans frontières Roger Gillespie, rédacteur en chef du Hamilton Spectator. Nous n'avons aucune raison de penser que l'interview de Paul Gravelle leur apportera la preuve de l'implication de son frère dans l'assassinat de l'avocate. Au printemps 2005, la police nous a approchés dans le but d'obtenir les notes de Bill. Devant notre refus, des poursuites pénales ont été engagées contre lui. »
Une nouvelle disposition introduite le 15 septembre 2004 dans le code pénal permet, en effet, d'obliger un journaliste à livrer du matériel (documents, notes, enregistrements sonores, vidéos) qui pourrait s'avérer utile à une enquête de police. Le refus du journaliste est passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 250 000 dollars et/ou d'une peine de prison de six mois maximum. C'est la première fois, selon la rédaction du Hamilton Spectator, que cette disposition entre en application. Bill Dunphy a comparu le 19 janvier 2006 devant un tribunal. Le juge rendra sa décision le 6 février.
Une autre affaire oppose le Hamilton Spectator à la justice. En décembre 2004, un autre journaliste de la rédaction, Ken Peters, a été condamné à 30 000 dollars d'amende pour avoir refusé de révéler le nom d'une source. Celle-ci s'est finalement déclarée et le journaliste a échappé à la prison. Il a, depuis, fait appel de sa condamnation en première instance.