Au cours de la dernière semaine, plusieurs rédactions ont été vandalisées à Katmandou et des journalistes ont été harcelés par les maoïstes. Trois reporters sont toujours détenus par les autorités. Reporters sans frontières redoute que cette insécurité croissante empêche les journalistes d'informer librement.
Le 18 octobre, Jeetman Basnet, directeur de publication du mensuel Sagarmatha Times, a été libéré par l'armée népalaise qui le détenait dans la caserne de Bhairavnath, à Katmandou. Il avait été arrêté le 4 février 2004 pour ses supposées sympathies avec le Parti communiste népalais (CPN-maoïste).
Le 11 mars dernier, dans une lettre adressée à la Cour suprême, l'armée avait nié savoir où se trouvait Jeetman Basnet. Les ministres de l'Intérieur et de la Défense avaient officiellement confirmé les déclarations de l'état-major. Pourtant, une commission spéciale chargée d'enquêter sur le sort des personnes disparues avait indiqué que le journaliste était bien emprisonné par l'armée sur ordre du gouvernement.
Jeetman Basnet, également avocat, a confié au quotidien Rajdhani avoir été maltraité pendant sa détention. Il a également indiqué que Bhai Kaji Ghimire, journaliste du mensuel Samadistri, que l'on croyait libre, était toujours détenu par l'armée.
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07.09.2004
Violences tous azimuts contre la presse
Des manifestants ont agressé des journalistes et attaqué les locaux de plusieurs groupes de presse à Katmandou. Reporters sans frontières a par ailleurs recueilli de nouveaux témoignages sur les exactions des maoïstes à l'égard des journalistes de province. Enfin, les autorités détiennent toujours trois journalistes.
Ces différentes violations de la liberté de la presse témoignent du climat de violence qui règne au Népal. Reporters sans frontières redoute que cette insécurité grandissante empêche les journalistes d'informer librement sur les événements nationaux. L'organisation s'associe aux initiatives de la Fédération des journalistes népalais (FNJ) pour obtenir la libération de quatre journalistes détenus par les autorités et de deux reporters enlevés par les maoïstes.
Reporters sans frontières dénonce depuis plusieurs années les attaques contre des journalistes et les entraves à leur travail de la part des maoïstes et des forces de sécurité. Ainsi, le camarade Prachanda et le roi Gyanendra sont considérés tous les deux par l'organisation comme des "prédateurs de la liberté de la presse".
Vivement critiqués après l'exécution du reporter de Radio Nepal, Dekendra Raj Thapa, le 11 août dernier, les maoïstes continuent d'harceler les journalistes en province. Le 2 septembre, Bijay Mishra, du quotidien Kantipur dans le district de Siraha (Est), a été menacé de mort par un cadre de la rébellion, Bibek, qui lui a promis le même sort que celui de Dekendra Raj Thapa. Les maoïstes lui reprochent de ne pas publier les informations les concernant dans son journal. Depuis plusieurs semaines, Baikuntha Dahal, journaliste indépendant dans le district d'Udaypur, a reçu des menaces de mort des maoïstes notamment à travers leur radio clandestine. Il est accusé de soutenir les forces armées. Anup Gurung, de l'hebdomadaire local Purva Mechi, a quant à lui été arrêté le 29 août dans le district de l'Ilam (est du pays). Des hommes armés l'ont intégré de force aux "divisions du peuple" pour le punir de ne pas avoir publié d'informations en faveur de leurs activités dans la région. Le journaliste a été contraint de servir de porteur, avant de réussir à s'échapper. Le reporter Durga Thapa a par ailleurs été détenu pendant plus de quinze jours en août dernier.
Selon les informations de Reporters sans frontières, les maoïstes auraient commis au moins dix violations graves de la liberté de la presse (assassinats, enlèvements ou menaces de mort) depuis le début de l'année 2004. L'organisation réitère son appel aux dirigeants maoïstes pour libérer pris en otages et garantir la liberté de la presse dans les zones du pays qu'ils contrôlent.
Les manifestations violentes qui se sont produites après l'exécution de douze otages népalais en Irak ont également touché la presse. Le 1er septembre, des émeutiers ont successivement attaqué, et en partie brûlé, les locaux des groupes de presse privés Kantipur et Space Time à Katmandou. Au moins cinq employés du Kantipur ont été frappés par les manifestants. Malgré les appels des médias, la police ne serait pas intervenue. Une dizaine de journalistes, notamment Minal Pandey de la chaîne Nepal 1 et Kiran Pandey du magazine Himal Khabarpatrika, ont par ailleurs été agressés alors qu'ils couvraient les manifestations.
Reporters sans frontières demande au ministre de l'Intérieur, Purna Bahadur Khadka, de s'expliquer sur le fait que les forces de l'ordre n'ont pas protégé les journalistes et les locaux des médias. L'organisation réitère son appel pour la libération de Raju Kshetri et Maheshwar Pahari de l'hebdomadaire Rashtriya Swabhiman, et Jeetman Basnet du mensuel Sagarmatha Times. Dans ces deux derniers cas, la Cour suprême a demandé leur libération. Ces journalistes sont détenus dans des conditions difficiles.
Reporters sans frontières a par ailleurs été informée de la mort de Badri Khadka, présenté comme le correspondant de l'hebdomadaire promaoïste Janadesh dans les régions de Mechi et Koshi (est du pays). Il aurait été tué par les forces de sécurité le 29 août à Govindapur (région de Morang, est du pays). Badri Khadka aurait été interpellé et torturé avant d'être exécuté. Selon des journalistes locaux, le corps de Badri Khadka, âgé de 27 ans, serait mutilé. Les forces de sécurité népalaises n'ont toujours pas confirmé cette information diffusée par les maoïstes.
Reporters sans frontières ne peut pas confirmer que Badri Khadka exerçait un travail de journaliste pour Janadesh qui depuis sa disparition des kiosques, en août 2003, est seulement accessible sur Internet. Reporters sans frontières estime que le soutien inconditionnel de la rédaction de Janadesh à la lutte armée populaire engagée par le Parti communiste népalais-maoïste est une violation grave à l'éthique journalistique. L'organisation condamne ces appels à la violence.