Un journaliste reconnu coupable de diffamation après trois ans de procès inique

A l’issue de trois années de procédure judiciaire, la cour du district de Kalangala, dans le sud de l’Ouganda, a reconnu le journaliste Ronald Ssembuusi coupable de diffamation. La procédure, entachée d’irrégularités, relance les inquiétudes de Reporters sans frontières sur l’état de la liberté de la presse en Ouganda. La sentence, qui sera prononcée le 17 octobre, peut lui valoir jusqu’à deux ans de prison. Le 3 octobre à Kalangala, Ronald Ssembuusi, correspondant local de la radio Central Broadcasting Service, qui appartient au Royaume de Buganda, a été déclaré coupable de diffamation. En cause, un reportage diffusé il y a trois ans, dans lequel il mentionnait la potentielle implication de Daniel Kikoola, ancien gouverneur du district de Kalangala, dans une affaire de vol de panneaux solaires. Offerts par la Banque africaine de développement, les panneaux solaires dérobés devaient alimenter le réseau d’eau potable de la ville de Kalangala. Le reportage réalisé par Ronald Ssembuusi rapportait que le responsable de la distribution de l’eau dans le district, arrêté par la police, avait mis en cause Daniel Kikoola. Le journaliste, soucieux d’un traitement équitable de l’information, avait alors interrogé l’ancien gouverneur. Mais ce dernier a toutefois décidé de porter plainte. En décembre 2011, Ronald Ssembuusi a été mis en examen en application des articles 179 et 180 du code pénal qui font de la diffamation un délit passible de prison ferme. « Encore un journaliste sacrifié sur l’autel d’une justice au service des puissants, déplore Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. La longueur de la procédure ainsi que ses conséquences sur la santé du reporter, aujourd’hui malade, sont révoltantes. Ronald Ssembuusi ne faisait que son métier. Si les journalistes ne peuvent plus dénoncer la corruption et les malversations de fonds publics, qui le fera ? Nous appelons la cour à annuler ce verdict injuste. » Au manque de fondement de l’accusation et à la longueur de la procédure se rajoute un conflit d’intérêt préoccupant. En effet, le juge Gimungu Kenneth Kabiri, magistrat de classe I du district de Kalangala, qui a instruit l’affaire, connaît bien Daniel Kikoola : les deux hommes siègent ensemble au comité consultatif de l’ONG Ssese Humanitarian Services. Le 3 octobre, le jugement de culpabilité rendu par le juge a été lu en l’absence du principal intéressé. Ronald Ssembuusi, dont l’état de santé ne lui permettait pas de se déplacer, était représenté par deux autres journalistes. Ces derniers ont été menacés d’être poursuivis ou sujets à payer une caution d’un million de shilling chacun (l’équivalent de près de 300 euros) si Ssembuusi n'apparaissait pas en personne à l'audience de prononciation de la sentence le 17 octobre. L’Ouganda est en 110e position dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières. (photo : Ronald Ssembuusi)
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Updated on 20.01.2016