Un journaliste italien arbitrairement expulsé du Mexique
Organisation :
Giovanni Proiettis, collaborateur du journal italien Il Manifesto a été expulsé par les autorités mexicaines de façon aussi rapide qu'arbitraire.
Reporters sans frontières proteste contre cette mesure injustifiée et demande aux autorités mexicaines de la réviser ayant été prise au mépris de toutes les procédures juridiques en vigueur. Le journaliste n'aurait pas été informé au préalable de son obligation de quitter le territoire ni des raisons de celle-ci. Ses droits à solliciter une assistance consulaire de son pays ou un avocat et de prévenir ses proches n’ont pas été respectés en violation des instruments internationaux de protection des droits de l’homme, ratifiés par le Mexique, et de la loi mexicaine sur l’immigration (RLGP 209-211).
Le 15 avril 2011, alors qu'il se rendait à l’Institut national de migration (INM) de San Cristobal de las Casas au Chiapas (sud du pays) pour renouveler son titre de séjour, le journaliste et professeur de l’université autonome de Chiapas, qui habitait dans le pays depuis 1993, a été renvoyé sous escorte jusqu'en Italie. Cela à deux mois de la visite dans le pays du Rapporteur spécial sur les droits des migrants de la Commission interaméricaine des droits de l'homme dans le pays.
Giovanni Proiettis nous a accordé une interview pour relater les conditions de son expulsion.
De quelle manière avez-vous eu connaissance de votre obligation de quitter le territoire mexicain ?
"Je renouvelais, comme chaque année, mon autorisation annuelle de séjour et de travail, une démarche que j'avais initiée une semaine auparavant. Convoqué vendredi 15 avril à 10:30, je me suis présenté à l’office d’immigration. On m'a demandé de m'installer dans une petite salle. Cinq agents de l'immigration sont venus ensuite pour me conduire à l'aéroport. On m’a mis dans un avion direct pour Madrid, puis Rome, escorté par deux agents. À l'aéroport de Madrid j'ai été placé dans une zone de police espagnole sous la surveillance d'agents mexicains qui n'avaient même pas d’autorité là-bas."
Les autorités mexicaines vous ont-elles informé de cette décision ? Ont-elles respecté votre droit à solliciter l’assistance consulaire ou un avocat?
"Je n'ai reçu aucun papier, rien du tout. Encore moins d'explications sur les raisons de mon expulsion. J’en ai pris connaissance en arrivant en Italie par les médias. Ils ne m'ont pas permis de communiquer avec mon ambassade au Mexique, ni avec ma compagne alors que j'habite ce pays depuis 18 ans. Je n'ai même pas pu passer chez moi, au moins pour récupérer mes affaires personnelles."
L'Institut national de migration a déclaré à Reporteurs sans Frontières que vous n’étiez pas accrédité pour un séjour légal dans le pays, ni en tant qu’enseignant ni comme correspondant. Que dites-vous à ce propos?
"Un mensonge. Ils ajoutent même que j'ai demandé une année sabbatique à mon travail sans les avoir informés, alors que ce n'est pas le cas, j'ai seulement demandé cinq mois de licence, mais je restais lié à l'université."
Pensez-vous que cette décision ait un lien quelconque avec votre activité de journaliste ?
"Bien évidemment. Quelque chose que j'ai dit les a sûrement dérangés. Le 1 janvier 1994 j'ai eu la chance d'être le premier à interviewer le commandant Marcos et j'ai depuis suivi l'évolution du mouvement zapatiste, dans les années 90. Les dernières années je me suis occupé de la guerre contre le narcotrafic qui a fait 40.000 morts depuis le début du gouvernement de Calderon. Autre chose, quelque jours après le sommet sur le changement climatique à Cancún, quand un autre journaliste a insulté Calderón et où j'ai été identifié et photographié, trois policiers m'ont arrêté sans explication en m'accusant d'un délit que je n'avais pas commis. Apeuré, j'ai pensé qu'ils me tueraient, mais grâce à une campagne de solidarité, une fonctionnaire m'a informé qu’il s’agissait d’une erreur et qu'ils s'excusaient."
Comment pourriez-vous décrire le climat actuel au niveau de la liberté d’expression au Mexique ?
"Très détérioré. Le Mexique est le pays le plus dangereux pour les journalistes. Il y a beaucoup d'intimidation, spécialement au Nord, mais surtout de l’autocensure parce qu'écrire sur le narcotrafic ou critiquer le gouvernement est très dangereux. Je dirais que, plus que la censure ce qui domine, c’est l'autocensure. La liberté d'expression n'existe pas au Mexique!"
Publié le
Updated on
20.01.2016