Un journaliste et leader communautaire indigène assassiné à Oaxaca, la piste professionnelle curieusement écartée

Reporters sans frontières est horrifiée par l'assassinat dans l'Etat de Oaxaca (Sud), le 8 décembre 2006, de Raúl Marcial Pérez, éditorialiste du quotidien régional El Gráfico, dont la mort porte à neuf le nombre de journalistes tués au Mexique depuis le début de l'année. L'organisation s'étonne de la tournure de l'enquête, qui a d'emblée écarté le mobile professionnel. “L'assassinat de Raúl Marcial Pérez scelle une année particulièrement sombre pour la presse mexicaine avec trois journalistes disparus et neuf tués, dont deux dans l'Etat de Oaxaca où les médias ont lourdement fait les frais de la répression contre l'agitation sociale qui dure depuis deux ans. Nous sommes scandalisés que l'enquête sur l'assassinat de Raúl Marcial Pérez néglige la piste professionnelle, alors que la rédaction d'El Gráfico a souligné que le journaliste dénonçait les atteintes aux droits de l'homme, commises notamment dans l'entourage du gouverneur Ulíses Ruiz Ortiz. Chercherait-on à couvrir ce dernier, comme cela a déjà été le cas dans l'enquête sur l'assassinat du cameraman d'Indymedia Brad Will, le 27 octobre ? Nous avons des raisons de le penser”, a déclaré Reporters sans frontières. Dans l'après-midi du 8 décembre, à Juxtlahuaca, une localité indigène de l'Etat de Oaxaca, des individus armés ont fait irruption dans la rédaction du quotidien El Gráfico et ont ouvert le feu contre Raúl Marcial Pérez, décédé sur le coup. Vingt cartouches de calibre 22 et 9 millimètres ont été relevés sur les lieux. María de Jesús, une avocate qui s'entretenait avec le journaliste au moment de l'attaque, a été blessée, mais ses jours ne sont pas en danger. Employé depuis dix ans par le quotidien El Gráfico, Raúl Marcial Pérez y tenait trois fois par semaine une colonne éditoriale intitulée “El otro lado de la moneda” (“Le revers de la monnaie”). Selon le directeur d'El Gráfico, Issac Olmedo “Raúl était très critique vis-à-vis du gouvernement d'Ulíses Ruiz Ortiz (dont les protestataires de Oaxaca exigent la démission - ndlr). Il avait dernièrement consacré la plupart de ses articles au mouvement social de Oaxaca et citait les noms des responsables du conflit”. Issac Olmedo a également souligné auprès de l'organisation que compte tenu des qualités de leader indigène de la victime, la piste professionnelle a d'emblée été écartée de l'enquête. Raúl Marcial Pérez était le fondateur de l'organisation indigène Unité pour le bien-être social de la région Triqui (UBISORT), dont il avait quitté la direction il y a deux ans. Cette organisation était en conflit avec une autre, le Mouvement d'unification et de lutte Triqui (MULT). En 1999, l'assassinat du secrétaire général de l'UBISORT avait été attribué au MULT. L'hypothèse retenue dans l'assassinat de Raúl Marcial Pérez est qu'il aurait été victime d'un règlement de comptes du même type. Néanmoins, le journaliste avait pris ses distances vis-à-vis de l'UBISORT et, depuis le déclenchement du conflit social à Oaxaca, les organisations indigènes ont fait cause commune pour réclamer la démission du gouverneur. Des partisans de ce dernier ont par ailleurs annoncé, le 11 décembre, qu'ils levaient leur blocus du quotidien Noticias de Oaxaca, dont les activités ont été entravées et la rédaction occupée depuis le 17 juin 2005.
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Updated on 20.01.2016