Un journaliste emprisonné depuis dix jours : la Constitution bafouée, la liberté de la presse malmenée

Reporters sans frontières conteste la procédure ayant conduit à l'arrestation de Owei Kobina Sikpi, directeur de publication de l'hebdomadaire Weekly Star, inculpé de « publication de fausses nouvelles » et maintenu en détention depuis dix jours. « Dans le pays du président Olusegun Obasanjo, protester contre l'incarcération abusive d'un journaliste pourrait devenir complètement inutile, tant l'impunité dont bénéficient les forces de sécurité semble acceptée par tous, a déclaré l'organisation. Il n'est pas nécessaire d'être juriste pour constater que l'arrestation et l'incarcération d'Owei Kobina Sikpi depuis dix jours viole au moins deux articles de la Constitution. Pour autant, le Nigeria, qui préside actuellement l'Union africaine (UA), n'est critiqué ou sanctionné par aucun des Etats pour ses agressions répétées de la presse indépendante. » Le 11 octobre 2005, un commando d'hommes armés a fait irruption à l'imprimerie de l'hebdomadaire privé Weekly Star, dans la ville pétrolière de Port-Harcourt (Sud), alors que l'hebdomadaire était en cours d'impression. Le directeur de publication, Owei Kobina Sikpi, ainsi que quatre employés de l'imprimerie, ont été arrêtés et les exemplaires du journal emportés. Selon les recoupements effectués par Reporters sans frontières, il semble que le commando était composé d'agents de la police nigériane et de membres du State Security Service (SSS), les services de renseignements fédéraux. Le porte-parole de la police de l'Etat de Rivers, Ireju Barasua, a pourtant démenti toute implication de ses services dans l'arrestation. L'antenne locale du SSS a également nié être impliquée. Le rédacteur en chef du Weekly Star, Obinna Ahiaidu, a mis plusieurs jours pour localiser son supérieur. Après six jours de détention au secret, Owei Kobina Sikpi a été présenté, le 17 octobre, devant la Haute Cour de Port-Harcourt, qui a prononcé à son encontre sept chefs d'inculpation de « publications de fausses nouvelles ». Les articles incriminés évoquaient notamment des accusations de blanchiment d'argent par le gouverneur de l'Etat de Rivers, Peter Odili, les affrontements entre des miliciens séparatistes et l'armée dans la région du delta du Niger et la présence au Nigeria de l'ancien président du Liberia, Charles Taylor. Le journaliste a plaidé non coupable. Le juge a refusé de lui accorder une mise en liberté sous caution et renvoyé la prochaine audience au 26 octobre. Selon l'article 36 de la Constitution du Nigeria, un inculpé doit « avoir le droit à un procès public et équitable dans un délai raisonnable » et « doit être présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été jugé coupable ». L'article 39 garantit la liberté d'expression, « y compris la liberté d'exprimer ses opinions et de diffuser des informations et des idées sans interférence ».
Publié le
Updated on 20.01.2016